Nora Mitrani, surréaliste au si secret visage

STÉPHANIE CARON


Secrète Nora Mitrani? L’adjectif peut sembler, a priori, assez mal qualifié pour désigner une femme dont le corps, sexe ouvert et fesses tendues, s’expose aujourd’hui à l’envi dans chaque exposition des œuvres de Bellmer, ou presque. Car enfin, qui a vu les séries de gravures que l’artiste réalisa pour Histoire de l’œil, de Bataille, ou pour rendre hommage au marquis de Sade, ne peut qu’être frappé par l’impudeur du modèle, qui exhibe à tous yeux les parties les plus secrètes de son anatomie. Pour autant, rares sont les spectateurs à même de nommer ce modèle; plus rares encore ceux qui pourraient identifier, en ce nom, celui d’un écrivain. Car le nom de Nora Mitrani a été presque complètement effacé de l’histoire littéraire, et s’il y reparaît quelquefois, c’est presque toujours aux côtés de ceux de Hans Bellmer ou de Julien Gracq, dont elle fut successivement la compagne. En elle se reconnaît aussi parfois la sœur aînée du cinéaste Michel Mitrani, l’une des personnalités phares de la Radio Télévision Française, qui porta notamment à l’écran une très belle adaptation du roman de Julien Gracq, Un balcon en forêt, en 1978. [1]

Amante, sœur — celle que son prénom, étymologiquement, destinait à la lumière, n’aurait-elle aujourd’hui d’existence que dans l’ombre des plus ou moins grands hommes qu’elle a côtoyés — et, il faut l’admettre, bien choisis? Le fait est que, peu soucieuse de notoriété et même de publications, la jeune femme semble avoir largement contribué à sa propre occultation. Ainsi, lorsqu’elle entre en littérature, c’est par la porte étroite du surréalisme d’après-guerre, mouvement désormais relégué dans les marges de l’avantgarde, et dont la critique littéraire ne se lasse pas de commenter l’agonie, quand elle n’en célèbre pas purement et simplement les funérailles. “Le surréalisme n’a plus rien à nous dire”, [2] écrit notamment Sartre en manière d’épitaphe, l’année même où Mitrani rejoint le groupe de nouveau réuni autour de Breton, rentré des Etats-Unis en 1946. Or, non contente d’adhérer entièrement aux idées du mouvement, et d’en accepter les exigences, à une époque où les femmes n’étaient, bien souvent, que les compagnes des surréalistes, Nora Mitrani s’y impose rapidement comme une “surréaliste orthodoxe”. [3] Aussi bon nombre de ses textes se font-ils l’écho d’une actualité (littéraire, artistique) souvent polémique — caractéristique qui n’a sans doute pas peu contribué à leur oubli. Pas de poèmes, peu de récits: cette œuvre se constitue surtout d’essais, de textes sur la littérature ou le cinéma parfois datés, et publiés dans des revues aujourd’hui disparues. Quoique “riche par la qualité exceptionnelle de l’écriture et la diversité des sujets traités”, [4] elle n’a été que rarement reproduite. Il a fallu attendre 1988 pour que la plupart de ces textes soient recueillis par Dominique Rabourdin — ami de Michel Mitrani et de Julien Gracq et grand admirateur de Nora Mitrani — et publiés en un petit volume aux éditions Eric Losfeld / Le Terrain Vague. [5]

Compte tenu, donc, du silence qui entoure aujourd’hui l’écrivain, c’est à une simple question, librement adaptée de celle que posa un jour une compagne de route surréaliste de Mitrani, que s’efforceront de répondre ces quelques lignes:

Si Dieu est un cerf volant,

Qui diable est Nora Mitrani? [6]

De cette “femme fascinante, au regard extraordinaire”, [7] quelques photographies ont capté l’étrange beauté. Une silhouette menue, des yeux noirs très doux qui semblent toujours regarder ailleurs, un sourire léger qui creuse à peine une fossette dans la joue rebondie — seul le voile mélancolique qui ombre parfois son visage trahit, peut-être, des blessures passées. Nora Mitrani est née, sous le signe du sagittaire, le 29 novembre 1921 à Sofia, en Bulgarie, de parents d’origine judéoespagnole et italienne. Vers 1930, sa famille émigre en France, et la jeune fille poursuit ses études secondaires au lycée HélèneBoucher, à Paris. Pendant l’occupation allemande, sa mère et la plus grande partie de ses proches sont déportés et tués à Auschwitz. Elle fera discrètement allusion à cette tragédie en 1952 dans “La flamme et son ombre”:

Mais assez longtemps, la nuit ne fut pour moi qu’une nuit allemande sans soleil secret, la longue nuit confusionnelle qu’habitent les monstres. Elle me convenait assez pour que je n’y cherchasse point l’exigence de lumière, diamant qui se dissimule au cœur du plus profond minuit. La découverte de l’humour peut être une grâce tardive. (RCV, p. 42)

C’est donc sous une fausse identité que Nora Mitrani poursuit ses études de philosophie à la Sorbonne. Durant ces années de formation, la jeune femme semble habitée par des aspirations contradictoires: elle est attirée par le catholicisme, mais perdra bientôt la foi au profit d’idées révolutionnaires. Trotskiste, elle consacre pourtant sa thèse de doctorat aux philosophes chrétiens Malebranche et Maine de Biran. “Elle dira plus tard, écrit Dominique Rabourdin, que toutes ces étapes lui ont été nécessaires avant de découvrir le surréalisme” (RCV, p. 149).

Pendant l’occupation, Nora fréquente le domicile d’Alain Gheerbrant, le futur directeur des éditions K. C’est chez lui qu’elle rencontrera Hans Bellmer à la fin de l’année 1945: Gheerbrant, qui préparait une réédition sous le manteau d’Histoire de l’œil, de Georges Bataille, illustrée par Bellmer, hébergeait l’artiste — logé chez des amis à Castres, Revel, Toulouse ou Carcassonne — lorsqu’il venait à Paris. Une liaison se noue entre le dessinateur quadragénaire et l’étudiante de vingt-cinq ans. Celle-ci rejoint plusieurs fois Bellmer, d’abord à Toulouse, puis une première fois à Carcassonne fin avril 1946, date à laquelle Bellmer la présente à son ami Joe Bousquet:

Pierre Cabanne décrit un Bellmer infréquentable, cherchant la rébellion et le scandale. Sa conduite, et surtout le fait qu’il “n’organise pas assez ses prodigieuses ressources artistiques sous forme d’un métier lui permettant de vivre”, lui vaut une vigoureuse mise au point de son ami, qui lui reproche également de s’être installé — avec quel argent? — dans l’hôtel le plus cher de la ville, le Terminus. [8]

En septembre, Bousquet s’arrange pour que le couple soit hébergé chez le peintre Jean Camberoque, qui vient d’illustrer son dernier ouvrage, Le Meneur de lune. La rencontre entre Bellmer, Bousquet et Mitrani est déterminante — elle donnera naissance aux célèbres anagrammes réalisés en commun d’après un hémistiche de Gérard de Nerval: “Rose au cœur violet”.

Dans Artémis, un des sonnets des Chimères, Nerval écrit: “Rose au cœur violet, fleur de Sainte Gudule”. Nora Mitrani, qui est une fervente lectrice du poète, a projeté de faire du premier hémistiche de ce vers le titre d’un essai qu’elle a, dès le début de leur liaison, l’intention d’écrire sur Bellmer. Ce titre n’est évidemment pas choisi au hasard: le souvenir du vers de Nerval est suscité par le travail de Bellmer (où le thème de la rose rejoint celui de la vulve, ou plus souvent de l’anus) ainsi que par le titre de certains de ses dessins comme “A la rose” ou “Rose ou verte la nuit”. Mais l’important est que ce titre, venu de Mitrani, ait surgi avant même le projet des anagrammes, et l’ait en quelque sorte inspiré. Dans un entretien avec Bernard Noël, Bellmer revient en effet sur la genèse de cette expérience:

Nora voulait intituler le livre qu’elle écrivait sur moi Rose au cœur violet. C’est un vers de Nerval. Je trouvais cela trop fleuri, trop doux. Nous étions dans une épicerie-buvette. L’un ou l’autre a proposé de faire des anagrammes avec le vers de Nerval. Oui, ce fut comme une fièvre. Les anagrammes se font mieux à deux, un homme, une femme. Une espèce de compétition, ou plutôt une vivacité qui s’attise réciproquement… [9]

C’est ainsi qu’à partir des dix-sept lettres de “Rose au cœur violet”, Nora Mitrani et Hans Bellmer composeront une première série d’anagrammes à quatre mains. Dans les jours ou les semaines qui suivent, ils invitent Joë Bousquet à se joindre à leurs jeux littéraires. Il résultera de cette collaboration une soixantaine d’anagrammes, dont le sens, fortement érotisé, subvertit complètement l’hémistiche de Nerval:

Se vouer à toi ô cruel

À toi, couleuvre rose

Ô, vouloir être cause

Couvre-toi, la rue ose

Ouvre-toi, ô la sucrée

Vil os écœura route

Cœur violé osa tuer

Comme l’a déjà remarqué Alain Chevrier, “Rose au cœur violet: ce n’est pas l’image classique du sexe féminin dans le langage des fleurs, mais celle de l’anus”. [10] Analyse que complète Jean-Claude Marceau:

Le titre renvoie à l’expression érotique “faire feuille de rose” et à la coloration des muqueuses. Et “violet”, couleur d’évêque, peut s’entendre aussi: “violé”. Joë Bousquet, nous rappelle-t-il, avait le projet d’écrire avec Bellmer une “ Justification de la sodomie”. […] Ce calligramme en forme de croix renversée multiplie les références au symbolisme phallique et à l’onanisme, comme aux fantasmes sadomasochistes de prostitution et de viol. Chaque ligne de ces anagrammes porte sur un thème érotique plus ou moins déguisé. [11]

L’expérience est décisive pour les deux amants. Nora Mitrani publiera en effet seize de ces anagrammes en haut ou en bas de page de son essai sur Bellmer, justement intitulé “Rose au cœur violet”. Bellmer, de son côté, fera paraître l’ensemble en 1957, augmenté et présenté sous la forme d’un poème, dans la version définitive de son célèbre ouvrage: Petite anatomie de l’inconscient physique ou L’Anatomie de l’image. On sait par ailleurs que l’artiste poursuivra, à partir de 1954, ces “jeux à deux” avec sa nouvelle compagne, Unica Zürn, qui ne cessera elle-même d’écrire des anagrammes, de manière obsessionnelle. [12] Mais surtout, l’anagramme s’inscrit désormais au centre des réflexions de Bellmer sur l’anatomie, éclairant les phénomènes de permutation qu’il décrira dans L’Anatomie de l’image en deux lignes aujourd’hui connues: “Le corps — il est comparable à une phrase qui nous inviterait à la désarticuler, pour que se recomposent, à travers une série d’anagrammes sans fin, ses contenus véritables.” [13]

En juillet 1947, autre expérience déterminante pour le couple. Sur une plage où il passe ses vacances avec Nora, Bellmer prend des photographies intimes de son amie: [14]

Elle avait permis de prendre d’elle des photographies obscènes. A travers la vue de ces épreuves et la provocation coïncidente d’une trop forte dose de cocaïne, les fesses de la jeune fille tendent à devenir l’image prépondérante, qui se confond de plus en plus, dans une vision concrète, avec l’image céleste, jusqu’à l’identité des plus passagères expressions de cette figure au sourire aveugle des deux immenses yeux qui sont les hémisphères de la croupe s’ouvrant sur l’anus. Le désir s’y porte exclusivement, confondant le masculin et le féminin, le Moi et le Toi, sodomisant le Moi dans le Toi. [15]

Evoquant les trouvailles de cette “semaine intense” dans une lettre à Georges Hugnet, Bellmer en parle comme d’un travail d’expérimentation: “J’en conserve des photos et des esquisses pour une série de gravures que je pousserai à l’extrême”. [16] Et de fait, ces photographies de Nora Mitrani inspirent certaines gravures que Bellmer réalisera pour Histoire de l’œil de Bataille, ainsi que pour l’hommage qu’il rend au marquis de Sade à la fin des années 40. Pour autant, le rôle de la jeune femme dans l’œuvre de l’artiste ne se réduit pas à celui de modèle, prêtant son corps aux figures fantasmatiques mises en scène par son compagnon. Après avoir réalisé, vers 1946-1947, un “Portrait de Nora Mitrani” de facture assez classique, Bellmer l’intègre entre 1947 et 1950 dans une magnifique série de “Portraits doubles”, dont un “Déshabillage” de 1949 le représentant sortant du corps de sa compagne. Le visage ou le corps de Nora Mitrani se reconnaissent encore dans certaines décalcomanies de 1948, comme “La pauvre Ann (L’Ange déchu)”. [17]

NORA MITRANI, Rose au coeur violet 1988

Cette même année 1948, les deux amants font des séjours réguliers à Paris où ils habitent, rue Falguière, chez leur amie Rilka. [18] Le manuscrit de Nora Mitrani, “Rose au cœur violet, à propos de Hans Bellmer”, est alors terminé, et il doit être imprimé à compte d’auteur à Toulouse. En fait, il ne sera publié qu’en 1950, en ouverture du recueil collectif Hans Bellmer, vingt-cinq reproductions, édité par Christian d’Orgeix. La signature de Mitrani y côtoie celles de Jean Mayoux, André Pieyre de Mandiargues, Jean Brun, Jacques de Caso, Yves Bonnefoy et Gisèle Prassinos.

Ce texte, qui ouvre l’édition des écrits de Nora Mitrani, offre, à maints égards, une analyse magistrale de l’œuvre de Bellmer. Certes, la grande intimité de l’auteure avec l’artiste nourrit et enrichit considérablement son propos. Ainsi la jeune femme peut-elle évoquer les déchirements, les séparations douloureuses sur lesquelles s’est construite l’œuvre de son compagnon:

Pourtant cet assassin des bonnes consciences vit avec le rêve têtu d’un amour d’enfance reconquis grâce à deux images perpétuellement menacées: une femme, projection troublante et fidèle de son propre narcissisme, une enfant, Doriane, une toute petite enfant, la sienne, qui lui a caressé le front. (RCV, p. 15)

Il n’en reste pas moins que l’écriture de Nora Mitrani épouse parfaitement les fantasmes de Bellmer, et se les approprie au point de substituer, dans certains passages, le “je” au “il” en principe de rigueur:

Tout homme et toute femme connaissent ou pressentent, qu’ils le veuillent ou non, l’éblouissement érotique et son cortège d’extases amères, d’impossibles désavoués.

 Je désirerais m’habiller du gilet pesant, tremblant, de ses seins.

Mais arrive très vite l’instant où me paraît dérisoire et touchant son corps fatalement haï, dérisoires ses rêves et son enfance. Sa vie prénatale ne serait-elle pas l’objet de ma convoitise? Elle accepterait peut-être, afin que je ne sois plus seul, de rentrer avec moi dans la même matrice. (RCV, p. 16-17)

L’ensemble du texte montre assez que Nora Mitrani n’était pas l’humble servante de l’œuvre de Bellmer, mais sa complice, voire son inspiratrice — en un mot une femme libre en quête, elle aussi, de vertige érotique. Ainsi la figure de Sade, également célébrée par les deux artistes, est-elle ici convoquée pour éclairer le travail de Bellmer — première d’une longue série de références qui se retrouveront dans presque tous les textes de Mitrani. Cette passion de la jeune femme pour Sade, ainsi que pour Bellmer sans aucun doute, s’explique, au premier chef, par l’aptitude des deux hommes à provoquer le scandale, mot et concept qui aimantent littéralement toute l’œuvre de la jeune femme. Scandale dont elle admire également les effets dans l’œuvre de Georges Bataille, à laquelle Bellmer donnera de fulgurants échos plastiques.

Et d’ailleurs, l’un des intérêts de ce premier essai réside aussi dans le fait que, par-delà le discours sur l’Autre, s’y devinent des préoccupations spécifiques à l’auteure, qui se perpétueront ensuite et se développeront d’un texte l’autre. A commencer par le refus, dès la première page, de l’image conventionnelle de la femme, réduite à sa seule beauté désincarnée:

Les représentations érotiques, si elles ne provoquent pas le vertige ou les larmes, sont méprisables. Et à partir de l’instant où, par elles, naissent vertige et scandale, on les juge suspectes. Leur contenu heurte une certaine notion de ‘sacré’ que l’on caresse malgré des goûts étendus, certitude que le ventre gravide de la femme est ‘saint’ comme est ‘sainte’ la toute petite fille. Le défendu et le gentil, plutôt que cette femme multiple resplendissant des interminables variantes du vécu coenesthésique; — que demeure inviolée une beauté féminine conventionnelle au sein de la plus dangereuse passion. (RCV, p. 13-14)

Autre trait typique de Mitrani, la constante volonté d’ouverture sur le quotidien, avec une valorisation particulière de l’objet:

De par sa passion de glace, brûlante, fanatique, Bellmer nous dévoile certaines solutions instinctives au conflit interminable qui toujours aura opposé l’homme à l’objet extérieur. (RCV, p.24-25)

On pourrait encore citer, au nombre des obsessions qui se font jour dans ce premier essai, l’amour, le couple, dont la jeune femme offre cette belle image:

Une tension fugitive mais douloureuse, sans nom, tient éloignés cet homme et cette femme sur la plage de sable. Soudain, personne n’en donnera le pourquoi, ils creusent à une légère distance l’un de l’autre un trou dans le sable. Bientôt leurs doigts grattent avec beaucoup plus d’ardeur, leurs gestes semblent devenir intentionnels. En bas le sable devient fluide et frais; et puis par-dessous le sable, leurs mains se rencontrent. (RCV, p. 25-26)

Pour autant, l’amour, chez Nora Mitrani, est loin de se réduire à ces “fragiles et brillantes efflorescences de vie” qu’elle salue par ailleurs chez la poétesse néo-zélandaise Katherine Mansfield [19] — en témoigne l’aphorisme qui ouvre presque son texte sur Bellmer: “Gravité mortelle de l’amour”.

De fait, celui qui lia Mitrani à Bellmer meurt au tout début des années 50. L’éloignement géographique, ainsi qu’une certaine forme de jalousie de la part de Bellmer, semblent avoir eu raison de leur passion. Les deux artistes se séparent néanmoins, comme on dit, en bons termes. Bellmer restera longtemps attaché à Mitrani, qu’il décrit en 1957 comme “amie, camarade, collaboratrice et, me paraissait-il, comme sœur de l’Impossible”. Ainsi, c’est à son ancienne compagne qu’il continuera à faire systématiquement appel, bien après leur rupture, pour mettre au point et corriger ses textes avant leur publication. Le visage de la jeune femme continuera d’ailleurs longtemps de hanter ses dessins ou gravures, qui se devine dans bien des œuvres postérieures à 1950. Et lorsque Bellmer apprend, en mai 1961, ce qu’il appelle “l’atroce nouvelle de sa mort”, il adresse immédiatement une lettre bouleversée à Breton: “Nora n’a jamais cessé d’être une grande et intime amie pour moi” [20] Réciproquement, Nora Mitrani restera marquée par les années passées aux côtés de Bellmer. Gracq se souvenait notamment, a rappelé Dominique Rabourdin, de Nora parlant de la douceur de Bellmer. Ainsi, lorsqu’elle évoque en 1959, dans “Une solitude enchantée”:

le déclic double qui rendrait possible la superposition de deux images sur une même pellicule vierge, la confusion obtenue en un instant et pour un instant, des corps séparés: je caresse un corps enchanté par le désir de l’autre, qui n’est plus le mien et qui n’est pas tout à fait le sien … (RCV, p. 105),

l’on songe aux “Portraits doubles” réalisés par Bellmer, et notamment au “Déshabillage” de 1949.

À Bellmer, Nora Mitrani doit enfin d’avoir rencontré ce qui constituera, selon les termes de Dominique Rabourdin, “l’axe de sa vie”: le surréalisme. Il est probable en effet que ce soit Bellmer qui ait présenté Mitrani à Breton, vers 1946 ou 1947, probable aussi que, d’emblée, Mitrani ait plu aux surréalistes, et notamment à Breton. Sa liaison, notoire, avec Bellmer, le fait qu’elle ait été son modèle, enveloppaient sa personne d’une aura sulfureuse qui n’était sans doute pas pour déplaire aux représentants, surtout masculins, du groupe. Ainsi Alain Jouffroy se souvient-il d’une “belle femme charmeuse, un peu libertine et ne s’en cachant pas, pas féministe, individualiste, assez révolutionnaire d’esprit, avec le sens de la provocation”. [21] Mais sa formation de philosophe est, également, appréciée et l’on sait que, presque d’entrée de jeu, Nora Mitrani a pris une part active aux débats qui animaient les “banquettes de peluche râpée et [l]es tables de faux acajou” du café de la place Blanche, où se réunissaient alors les surréalistes. [22] La jeune femme est associée, via Bellmer et Bousquet, à l’Exposition internationale du surréalisme de 1947, qui, inaugurée le 7 juillet 1947 à la galerie Maeght, marque la reprise officielle des activités de Breton à Paris après son retour en France, l’année précédente. [23] Mais l’adhésion de Mitrani au surréalisme est véritablement entérinée en juin par sa signature en bas du tract “Rupture inaugurale”, dans lequel le groupe français définit son “attitude préjudicielle à l’égard de toute politique partisane”. Mitrani signera pratiquement tous les tracts lancés par les surréalistes; [24] de 1949 jusqu’à sa mort, elle collabore en outre à toutes les publications surréalistes: Néon, L’Almanach surréaliste du demi-siècle, L’Age du cinéma (revue fondée par trois jeunes surréalistes, Kyrou, Benayoun et Goldfayn, et qui consacre un numéro spécial au surréalisme en 1951), Médium, Le Surréalisme, même, puis Bief. La jeune femme publiera, en tout, une quinzaine de textes dans ces diverses revues, ainsi qu’une dizaine dans d’autres tribunes.

Ses sujets de prédilection sont variés. Elle donne, notamment, deux articles importants sur Sade, devenant ainsi la première femme sadienne du surréalisme. Le premier, “Scandale au si secret visage”, paraît en 1950 dans L’Almanach surréaliste du demi-siècle. [25] Albert Camus s’en inspirera d’ailleurs pour écrire L’Homme révolté, où il confond malencontreusement la syntaxe de Nora Mitrani avec celle de Sade. François Di Dio, l’âme du Soleil Noir, offrira à son amie l’occasion d’une mise au point, sous la forme d’une “Note de la rédaction” parue en février 1952 dans “La révolte en question”, premier des deux numéros de la revue Positions éditée par le Soleil Noir:

Nora Mitrani nous prie d’insérer la rectification suivante:

Page 64 de L’Homme révolté, Albert Camus écrit: […] Lorsque le crime de l’amour n’est plus à la mesure de notre intensité, nous pourrions peut-être attaquer le soleil, en priver l’univers, ou nous en servir pour embraser le monde, ce serait des crimes, cela…

Je renvoie mon lecteur à mon article intitulé “Scandale au si secret visage” […] On est bouleversé lorsque ce monstre de marquis du 18e siècle utilise soudain une formule aussi moderne: à la mesure de notre intensité. Mais, à la réflexion, cela paraît assez surprenant. Sade, extraordinaire précurseur sur les autres plans, appartient à son siècle par son style et sa syntaxe. L’explication? Un déplacement de guillemets […]. Lorsque j’ai moi-même cité cette phrase dans le texte que j’indique plus haut, il me fallait, pour les besoins de la démonstration, faire précéder ma citation d’une proposition circonstancielle; je l’ai inventée. [26]

Dans “Scandale au si secret visage”, Mitrani resitue Sade dans une généalogie de penseurs maudits qui, depuis les “iconoclastes du géocentrisme, du théocentrisme, de l’anthropocentrisme”, se perpétue jusqu’à Hegel ou Marx. Tous furent, selon elle, “accusés, battus, humiliés”, pour avoir substitué au principe d’identité celui, occulte, d’analogie:

Inscrit dans la trame du réel, aucune force au monde n’aura jusqu’à ce jour réussi à l’étouffer. Car son contenu est trop extraordinairement enfantin: les mêmes processus s’accomplissent par analogie dans la partie comme dans le tout, dans la conscience comme dans l’objet, dans le corps humain comme dans le système solaire. (RCV, p. 38)

Chère à Mitrani, cette question de l’analogie sera reprise, développée — et sa lignée étendue au surréalisme — dans une conférence qu’elle donnera la même année au Portugal sous le titre “La raison ardente. Du Romantisme au Surréalisme”. Elle y insèrera d’ailleurs des pans entiers de “Scandale au si secret visage”, selon un principe de recyclage déjà éprouvé dans ce même article, où elle reprend, textuellement, des passages de “Rose au cœur violet” écrits à propos de Bellmer.

Bien différent est le second texte sur Sade que Nora Mitrani fait paraître dans Médium, en 1954: “Du nouveau sur Madame de Montreuil”. [27] Très polémique, il s’attaque en effet à de célèbres exégètes du marquis de Sade, accusés d’avoir opté, face à leur objet, pour deux attitudes tout aussi condamnables: “la divinisation et l’adoration outrée” ou “l’édulcoration et l’apprivoisement”. De Swinburne à Camus, se voient ainsi éreintés certains sadiens parmi les plus éminents, comme Georges Bataille, Pierre Klossowski et surtout Gilbert Lely, dont les travaux sont réduits à de “moites compilations”. Il est vrai que, au moment où Mitrani écrit ces lignes, Breton — et avec lui l’ensemble du groupe qu’il anime — est brouillé avec Lely, dont l’interprétation de l’engagement politique de Sade est en complet désaccord avec celui des surréalistes. [28] Aussi n’est-il guère étonnant que Nora Mitrani prenne, dans ces lignes consacrées à la belle-mère de Sade, l’exact contrepied de l’une des thèses défendues par Lely dans sa Vie du marquis de Sade, parue en 1952: pour Lely, les malheurs de Sade viennent essentiellement de l’acharnement haineux de Mme de Montreuil contre lui. Mitrani lui oppose les recherches de Jean-Jacques Pauvert, dont l’introduction à Justine ou les malheurs de la vertu constitue selon elle “un remarquable travail de déniaisement du lecteur”:

Des mythes s’y trouvent détruits, dont de trop nombreux exégètes de Sade subirent eux-mêmes la séduction. Celui de cette “méchante Mme de Montreuil”, infatigable persécutrice du mari de sa fille, n’est pas le moindre, dans la mesure où il nous livre une des clés du comportement sadiste. Le gendre et la belle-mère paraissent au début assez charmés l’un par l’autre (il semblerait, d’après certains documents cités par Pauvert, que le jeune Sade trouvât plus de charme en Mme la Présidente qu’en sa jeune épouse). (RCV, p. 56)

Nora Mitrani n’écrira pas d’autre article sur Sade, mais l’ombre du marquis plane sur la plupart de ses écrits ultérieurs. Que l’on en juge par exemple aux réponses qu’elle donne, en 1957, à une enquête sur un tableau de Gabriel Cornelius von Max menée dans Le Surréalisme, même:

Cette femme, hautement sadique, rigoureuse, formelle ou conventionnelle dans ses relations avec son amant, vient d’apprendre par une lettre de celui-ci qu’à l’heure fixée lors de leur précédent rendez-vous, il ne viendra pas subir les supplices qu’elle lui réservait pour ce jour-là. […] Furieuse, ne pouvant contenir sa violence, elle se cravache elle-même jusqu’à l’épuisement et s’effondre sur le plancher, telle une morte. [29]

Ces lignes justifient pleinement le jugement que Julien Gracq formulera en 1988 à propos de l’œuvre de son ancienne compagne:

Les pages de Nora Mitrani marquent surtout sa place dans le surréalisme de l’après-guerre en ce que — sans abandonner en rien les positions de Breton telles qu’elles s’expriment dans Nadja ou L’Amour fou — elles se refusent à toute réticence devant les “paysages dangereux” sur lesquels donnent parfois, précisément, les dessins de Bellmer comme les livres de Bataille. [30]

C’est donc tout naturellement que Nora Mitrani est invitée à collaborer, en décembre 1959, à l’exposition internationale du surréalisme organisée à la galerie Daniel Cordier sous le titre EROS. Elle rédige pour le catalogue “Une solitude enchantée”, sorte de rêverie littéraire inspirée par le refus de O, l’héroïne de Pauline Réage, de se caresser devant Sir Stephen, ainsi que six entrées du Lexique succinct de l’érotisme. [31] Mise à part celle consacrée à la cantatrice allemande Wilhelmine Schroeder-Dariant (qui passe pour avoir été une nymphomane dont les prétendus Mémoires sont aujourd’hui disponibles chez Pauvert), toutes les entrées signées de ses initiales concernent des personnages ou des thèmes dont elle était “spécialiste”. Elle avait eu l’occasion d’évoquer Sir Stephen, l’amant de la très docile O, dans “Une solitude enchantée”, et déjà éreinté la Roberte de Pierre Klossowski en 1953 dans “Diptyque de l’amour et du sang-froid”. Quant aux trois entrées thématiques dont elle eut la charge, seule “Fards” a de quoi surprendre — “Concupiscence” et “Scandale” semblent aller de soi:

Concupiscence. — Fond d’inclination naturelle qui nous fait désirer la jouissance de biens sensibles et surtout des plaisirs charnels. Palper et posséder un corps guérissent de la sensation de brûlure provoquée par son image. L’Eglise interdit et cette brûlure et son mode de guérison. (p. 18)

Fards. — Crèmes et poudres dont le secret aurait été enseigné aux femmes par les anges déchus, selon Tertullien. Elles en usent pour séduire les hommes mais aussi pour se voiler à elles-mêmes leur nudité. Collaboratrice diurne de l’homme, la femme ne se maquille que le visage, mais la créature de la nuit se farde également à ces endroits cachés où son corps s’entrouvre et se hérisse. (p. 28)

 Scandale. — Dévoilement brusque, à des fins de provocation ou de défi, de ce que la société et la morale conventionnelle ne tolèrent que camouflés: les parties dites honteuses du corps humain, l’exploitation de l’homme par l’homme, l’existence de la torture, mais aussi l’éclat trop insoutenable d’un être en décalage avec son environnement. (p. 67)

Outre l’érotisme, un des sujets de prédilection de Nora Mitrani concerne les femmes, et plus généralement la condition féminine. Féministe, Nora Mitrani l’est assurément, mais d’un féminisme doux, non combattif, dans lequel la revendication de l’égalité homme-femme, et la reconnaissance de la femme comme sujet pensant, se double d’un consentement à la féminité dans ce qu’elle peut avoir, parfois, de presque caricatural. Pour Mitrani, la femme idéale, telle qu’ont pu la célébrer, sous toutes ses coutures, les surréalistes, serait un hybride de “créature charnelle” et de Nadja, de “rose publique” et de “magicienne, sibylle, médiatrice de l’invisible”. [32] Si elle rejette “les Marylin et autres somptueuses créatures de cinéma technicolor qui, moulées de velours rouge, dansent, bouche et paupières mi-closes, éperdues, dans le monde des hommes” (créatures tout droit sorties semble-t-il du Niagara de Henry Hathaway), elle n’en manifeste pas moins un intérêt évident pour ce qu’elle appelle “l’ambiguïté de la femme-femelle”. En témoigne l’article qu’elle donne en 1957 au Surréalisme, même sous le titre: “Des esclaves, des suffragettes, du fouet”. Elle y oppose, à l’effort des femmes pour s’approprier “la logique des hommes, leurs œuvres et leurs tourments”, effort dans lequel elles perdent leur identité propre, la foi de Rimbaud en une femme différente, “poète mais encore inconnue sur la terre”. Plus proche en somme du féminisme d’une Suzanne Lilar, qui était une amie de Gracq, que d’une Françoise d’Eaubonne, Nora Mitrani s’intéresse davantage à l’essence qu’à la condition féminine. La fin de cet article, en forme d’hommage à O, l’héroïne de Pauline Réage, prend d’ailleurs explicitement le contrepied des thèses de Simone de Beauvoir:

Mme O, en dépit de son avilissement, à cause de lui peutêtre […] est une femme heureuse, comblée. […] La femme devenue objet, consentante jusque-là, parce que tel est son plaisir, cravachée, mais cela représente une manière d’agression à l’égard des hommes: ils ne se reconnaissent plus. (RCV, p. 101)

À parcourir les textes qu’elle a laissés, il apparaît clairement que Nora Mitrani s’est davantage posée en “gardienne du temple” surréaliste qu’en figure novatrice et contestataire. Elle épouse, notamment, toutes les causes de Breton (contre Camus, contre Lely), probablement en raison de son amitié et de sa vive admiration pour l’auteur de L’Amour fou. Les deux écrivains seront en effet liés, jusqu’à la mort de Mitrani en 1961, par une profonde affection, qu’attestent notamment, du côté de Breton, les dédicaces qu’il adresse à Nora. [33] Pour autant, la situation de Nora Mitrani au sein du groupe surréaliste est singulière: très proche de Breton, de Bellmer, de Gracq ou de Mandiargues (elle était très liée, aussi, à Bona), elle reste assez éloignée des autres adhérents. Les rares photographies où elle figure, au café, parmi les surréalistes la montrent d’ailleurs plutôt à l’écart, et elle cherchera à quelques reprises des tribunes extérieures au mouvement, comme L’Actualité littéraire. Elle n’en jouera pas moins un rôle actif au sein du groupe, dont elle est, notamment, l’un des porte-parole à l’étranger. Ainsi, en janvier 1950, Nora Mitrani part pour le Portugal, où l’un de ses oncles fortuné l’accueille, donner une conférence sur le surréalisme dans le jardin universitaire des Beaux-Arts de Lisbonne. Intitulée “La raison ardente. Du romantisme au surréalisme”, cette conférence à ce jour inédite en français, a été publiée, en portugais, dans la revue Cadernos surrealistas. [34] Il s’agit d’un article fort dense, qui évoque, en treize feuillets dactylographiés, les nouvelles orientations du surréalisme d’après-guerre, tenté par l’occulte, l’hermétisme et la pensée mythique. Dès la première page, le ton est en effet donné: “Le grand responsable (nous serions tentés de dire le grand coupable) de cette chasse au vertige qui s’appelle le rationalisme des temps modernes, est Descartes”. Un Descartes qui incarne, aux yeux de l’auteur, la “tradition du jour”, caractérisée par l’esprit de séparation, le sens de la mesure et de la clarté, en opposition à la “tradition de la nuit” dans laquelle s’inscrit ce que Mitrani appelle “la lignée royale du romantisme au surréalisme”. De cette dernière tradition relèvent selon elle les œuvres de Hegel, Sade, Marx, Freud, aussi bien que celles de Rimbaud, Nerval, Lautréamont ou Breton, qui ont en commun d’être sous-tendues par un principe occulte d’analogie, qu’elle définit comme la perception des rapports qui régissent la totalité du monde.

Certes, on peut reprocher à Nora Mitrani de faire, dans cet article, une apologie un peu forcée du surréalisme, présenté comme point d’aboutissement ultime de toute une tradition de pensée qu’elle fait remonter à Héraclite, au prix de quelques raccourcis idéologiques et de formules très discutables, comme: “L’expérience surréaliste de tout temps fut, dans la mesure où elle coïncide avec l’expérience poétique”. Pour autant, resituée dans le contexte où elle a été prononcée, cette conférence prend toutes les allures d’un acte de résistance: faire la promotion du surréalisme, au pays de Salazar, n’allait évidemment ni sans arrière-pensées, ni sans danger. De ce voyage en pays lusophone, Nora Mitrani rapportera d’ailleurs une série d’articles sur la situation politique du Portugal, qu’elle fera paraître en juillet 1950 dans le périodique Le Franc-Tireur. Elle signera ces articles du pseudonyme Daniel Gautier, afin de protéger sa famille installée au Portugal des poursuites auxquelles auraient donné lieu ses critiques.

Au cours de ce même voyage au Portugal, Nora fait deux rencontres importantes. La première, avec le poète Alexandre O’Neill, l’un des fondateurs du groupe surréaliste portugais, avec qui elle nouera une courte, mais intense, histoire d’amour, contrariée par la P.I.D.E (Polícia Internacional e de Defesa do Estado) qui refusera de délivrer à Alexandre le passeport lui permettant de rejoindre Nora, qui l’attend en France. Le jeune homme en fut, paraît-il, désespéré et, même s’il se maria quelques années plus tard, il n’oubliera pas Nora Mitrani, à qui il consacrera un très bel hommage posthume en 1962. Voici deux extraits de ses Poemas com endereço: [35]

Para ti o tempo já não urge,

Amiga.

Agora és morta.

(Suicida?)

Já Pierrot-vomitando-fogo

(sempre ao serviço dos amantes)

não entra no nosso jogo

como dantes.

Mas esse obscuro servidor,

que promovemos uma vez

(ainda eu não te dedicara

aquele adeus português…),

corre, lesto, como uma chama,

entre nós dois (o saltarim!)

e desafia-nos prà cama.

Esperas por mim?

II Se eu pudesse dizer-te: — senta aqui

nos meus joelhos, deixa-me alisar-te,

ó amável bichinho, o pêlo fino;

depois, a contra-pêlo, provocar-te!

Se eu pudesse juntar no mesmo fio

(infinito colar!) cada arrepio

que aos viajeiros comprazidos dedos

fizesse descobrir novos enredos!

Se eu pudesse fechar-te nesta mão,

tecedeira fiel de tantas linhas,

de tanto enredo imaginário, vão,

e incitar alguém — Vê se adivinhas…

Então um fértil jogo amor seria.

Não este descerrar a mão vazia!

Pour toi le temps ne presse plus,

Amie.

Maintenant tu es morte.

 (Suicide?)

Déjà Pierrot-qui-vomit-dufeu

(toujours au service des amants)

n’entre plus dans notre jeu

comme auparavant.

Mais cet obscur serviteur

que nous promûmes une fois

(je ne t’avais pas encore dédié

cet adieu portugais…),

court, léger, comme une flamme,

entre nous deux (ô saltarim!)

et nous défie au lit.

M’attends-tu?

Si je pouvais te dire: assieds-toi ici

sur mes genoux, laisse-moi caresser

Ô aimable petite bête, ton poil fin;

Puis, à rebrousse-poil, te provoquer!

Si je pouvais tendre sur le même fil

(infini collier!) chaque frisson

qui aux joyeux doigts voyageurs

Fasse découvrir de nouvelles intrigues!

Si je pouvais t’enfermer dans cette main,

tisseuse fidèle de tant de fils,

de tant d’intrigues imaginaires

et exhorter quelqu’un –Vois si tu devines…

Alors l’amour serait un jeu fertile.

Non ce geste stérile d’une main vide!

La seconde rencontre qui marque ce séjour au Portugal est celle de l’œuvre de Fernando Pessoa, découverte dont Nora Mitrani rendra compte en 1957 dans le second numéro du Surréalisme, même. Elle y publie un important dossier sur le grand poète portugais, alors pratiquement inconnu en France, recueillant une lettre et plusieurs poèmes, qu’elle accompagne d’un bref texte de présentation intitulé “Poésie, liberté d’être…”:

En Fernando Pessoa, poète portugais, nous reconnaissons l’orgueil de Hegel et des philosophes de la nature, l’attitude exemplaire du penseur idéaliste qui sait qu’à l’esprit humain rien n’est impossible, même pas le don de vie. Chez cet homme possédé et miraculeusement libre (car il joue avec ceux qui le possèdent), l’acte poétique devient vérifiable dans sa genèse au creux de l’être qui, de lui-même, rompt ses amarres pour tenter la fabuleuse aventure, toujours recommencée: arracher l’Autre à soi-même, l’habiller de chair vivante et, le projetant dans l’espace, lui donner ses chances. (RCV, p. 95)

 

Autre contribution de Nora Mitrani au rayonnement international du surréalisme: elle participe en février 1960, avec Octavio Paz, Joyce Mansour, Robert Benayoun et JacquesBernard Brunius, à une émission radiophonique intitulée “In defense of surrealism”, dont le texte est reproduit dans Bief sous le titre “Le dialogue de Londres”. Sa longue et véhémente intervention répond à une question de Brunius concernant l’action des surréalistes sur le plan social:

Naturellement, nous voulons que la révolte s’achève en révolution, mais s’il est question de révolution au sens politique et social défini par les marxistes, disons que ce genre de révolution n’est pas assez pour le surréalisme. […] Les hauts standards de vie, les loisirs et les congés pour tous, toutes ces conquêtes du prolétariat ont été gagnées ces dernières années par le réformisme, non par la révolution… Cette promotion des masses représente en fait une trahison: la conscience de classe cède le pas à la lutte pour la sécurité et aux types bureaucratiques d’irresponsabilité organisée. [36]

Très différent de celui de ses camarades, le discours de Nora Mitrani est marqué — outre son fort engagement politique — par le vocabulaire et l’analyse sociologiques, caractéristique en cela de l’orientation qu’elle avait choisie depuis une dizaine d’années. Au début des années 50, Nora Mitrani a en effet été admise au Centre d’études sociologiques du CNRS — où travaille aussi, sans qu’apparemment ils se côtoient, Pierre Naville, qui avait fait partie du premier groupe surréaliste. En 1955, la jeune femme est l’une des six femmes que compte une équipe de trente-cinq chercheurs, et l’une des rares à ne pas axer sa recherche sur des questions spécifiquement liées aux femmes. [37] Elle participe activement aux travaux des groupes de recherches sur la Sociologie de la Connaissance et la Sociologie de la Vie Morale sous la direction de Georges Gurvitch, et entreprend une thèse sur les problèmes de la technocratie et de la techno-bureaucratie, enquête qui restera inachevée, mais dont une partie a été publiée dans les Cahiers Internationaux de Sociologie entre 1955 et 1961. Dans un article d’hommage à l’œuvre sociologique de Nora Mitrani paru dans la Revue française de sociologie, Jean Cazeneuve pose la question du choix d’un tel domaine de recherches:

Pourquoi ce sujet avait-il retenu son attention? Il est difficile de voir comment les tendances littéraires surréalistes de Nora Mitrani auraient pu l’orienter vers ce choix. Du moins son attachement à certaines valeurs esthétiques peut-il expliquer sa réaction d’artiste devant la froide et inhumaine manipulation technique à l’égard des projets technocratiques. On note parfois chez les esprits les plus curieux un goût pour les recherches antithétiques. [38]

L’élection d’un tel champ de recherches est-il aussi surprenant que le veut Cazeneuve? Le monde de la technique a, aussi, fasciné les surréalistes, sous la forme notamment de la machine ou de l’automate, que l’on rencontre sous beaucoup de plumes ou de pinceaux du groupe. Nora Mitrani y a elle-même succombé, qui évoque dans “Diptyque de l’amour et du sangfroid” une machine imaginée par un psychiatre anglais, l’homéostat, qui assumerait les fonctions du cerveau. Nulle contradiction, donc, entre les recherches sociologiques de Nora Mitrani et son appartenance au surréalisme, dans lequel elle trouvait peut-être, au contraire, un moyen de subsumer et de poétiser une réalité pragmatique et technicienne à laquelle elle s’intéressait également. Significativement, Mitrani clôt d’ailleurs son écrit sur l’homéostat en citant la fin du Surmâle, d’Alfred Jarry: “Donc, ainsi qu’il était mathématiquement à prévoir, si la machine produisait véritablement de l’amour, c’est LA MACHINE QUI DEVINT AMOUREUSE DE L’HOMME”.

Amoureuse, Mitrani le sera de nouveau — et vraisemblablement pour la dernière fois — au cours des années cinquante. Sans doute est-ce par l’intermédiaire de Bellmer, qu’elle représente à Paris quand il en est absent, que la jeune femme rencontre Julien Gracq au tout début de la décennie. Les deux écrivains ont pu se retrouver à l’occasion de la parution du premier numéro de la revue Positions: “La révolte en question”, auquel Gracq collabora également. Mais leur liaison débute probablement en 1953, après un entretien que Gracq accorde à Nora Mitrani au sujet de sa traduction de la Penthésilée de Kleist, que Jean-Louis Barrault, projetant de monter la pièce au théâtre Marigny, lui a commandée. [39] Compte tenu de la discrétion dont le couple, jaloux de son intimité, faisait montre, on sait fort peu de choses de leurs relations. Certains, comme Jean-Claude Silbermann, se souviennent pourtant de la jeune femme à l’époque où elle fréquentait Gracq: “[elle était] une belle femme lointaine — mais pas distante — assez solitaire: une sorte de noblesse perdue entre crainte et nonchalance. Bien habillée, un peu madame, genre tailleur.” [40] Pour le reste, l’énigme reste, à ce jour, presque complète: tout juste peut-on affirmer que Gracq et la jeune femme n’ont jamais vécu ensemble, si ce n’est pendant les vacances, dont ils passaient souvent une partie en compagnie d’Elisa et André Breton. Une très belle photographie d’Elie Charles Flamand, poète et membre du groupe surréaliste, reproduite dans le numéro spécial du Magazine littéraire consacré à Julien Gracq, nous montre par exemple le couple en août 1958 à Saint-Cirq-Lapopie, où résidaient les Breton. [41]

On connaît, également, l’amitié qui unissait les deux écrivains à Bona et André Pieyre Mandiargues, qu’ils allèrent visiter à Venise en 1959 — une photographie, largement diffusée à l’occasion de la vente Gracq, nous montre d’ailleurs ce dernier en compagnie de Mandiargues et de Mitrani sur une gondole vénitienne. Mentionnons enfin les relations très proches qu’entretenait le couple avec Michel Mitrani, qui fut un intime de Gracq bien avant de réaliser Un Balcon en forêt.

Les œuvres respectives des deux écrivains ne nous en disent guère plus long: Nora Mitrani ne fera plus référence à Julien Gracq après leur entretien de 1953, et celui-ci ne mentionne jamais sa compagne avant la préface qu’il rédige, à la demande de Dominique Rabourdin et sur l’insistance de Mandiargues, pour Rose au cœur violet. La jeune femme est-elle totalement étrangère, cependant, à la “réorientation décisive” qui s’opère au cours des années cinquante dans l’œuvre romanesque de Gracq, réorientation que Michel Murat date précisément de 1953? [42] Les représentations de la féminité et du couple, notamment, connaissent à cette période une évolution sensible sous la plume de Gracq. Aux résistances, à la violence, au sentiment d’altérité que provoquait la femme dans Au château d’Argol, Le Rivage des syrtes ou “Prose pour l’étrangère” — où elle ne pouvait qu’être “aimée en absence” — fait place dans Un Balcon en forêt la possibilité du couple. Quoique éphémère, et refusant le nom d’amour (“C’était moins et mieux”, précise Grange), “la relation amoureuse est devenue respirable”. [43] Elle se marque, aussi, du sceau discret de la perversion, suggérée dans le roman de 1958 par l’étrange duo que forment Mona et sa “serve” Julia, caricature de soubrette. Réminiscence d’Histoire d’O, dont on sait l’intérêt que lui porta Mitrani? S’il est impossible de déterminer lequel, des deux écrivains, initia l’autre à la lecture du roman de Pauline Réage, il est probable en revanche que “les pages écrites [par Mitrani] à propos de l’Histoire d’O”, que Gracq cite au nombre des écrits de la jeune femme “à privilégier”, [44] aient nourri son propre attrait pour ce roman. Attrait dont les signes discrets se perpétuent jusque dans “Le Roi Cophetua”, l’un des trois récits recueillis en 1970 dans La Presqu’ile: une grande maison au fond d’un parc obscur, un flambeau, le silence, une femme hautaine mais soumise qu’on offre au narrateur — nombre d’ingrédients invitent à lire ce texte (entre autres références) comme la répétition d’un rituel amoureux bien antérieur, auquel la plume de Mitrani avait bien souvent sacrifié.

A la fin des années cinquante, Nora Mitrani tombe malade. Julien Gracq fait allusion à cette maladie dans une carte autographe du 31 juillet 1959 à André Breton: “J’ai regretté que votre départ pour Saint-Cirq et les ennuis de santé de Nora nous aient fait manquer cette excursion que nous avions projetée près de Paris.” [45] A peine deux ans plus tard, en mars 1961, la jeune femme, âgée de 39 ans, succombe à un cancer. De ce mal, personne ne dit le nom. André Pieyre de Mandiargues parle d’une “maladie qui ne pardonne guère”, et Michel Mitrani a seulement voulu se souvenir “de son extraordinaire humour dans des circonstances si douloureuses”. [46] Nora choisit de finir ses jours au Goethéanum de Dornach, en Suisse, où elle rejoint les disciples de Rudolf Steiner, fondateur de la Société anthroposophique universelle. Il semble que, peu avant sa mort, elle soit revenue à la foi, et ait demandé à être inhumée selon le rite catholique. Ses obsèques eurent lieu en mai 1961 à l’Eglise Notre Dame des champs, près de son appartement de la rue de Rennes, à Paris, et elle fut enterrée au cimetière Montparnasse.

Après sa disparition, Françoise Mallet-Joris (sans doute à la demande de Gracq, qui était l’ami de Suzanne Lilar, la mère de Mallet-Joris) a publié son plus long — et presque son seul — récit: “Chronique d’un échouage”, qui ferme le volume Rose au cœur violet. Dans ce très beau texte d’inspiration autobiographique, Nora Mitrani raconte, non sans humour, une croisière sur le Rhône qu’elle a entreprise avec trois de ses amis. Plagiant la forme et le style des romans d’aventures, elle déroule, en fait, le récit d’une non-aventure, dont les anti-héros sont privés, alors même qu’ils font naufrage, du drame qu’ils étaient en droit d’espérer:

A l’intrusion soudaine du romanesque et de la mort, à l’occasion de révéler des qualités exceptionnelles de sangfroid et d’héroïsme, nous n’avons pas droit. Les beaux vrais naufrages pathétiques, ceux qui se dégagent en clair-obscur du fond des anciens récits, ceux-là demeureront à jamais imaginaires. Notre réalité est sans gloire et sans photogénie aucune, drame confortable auquel il ne manque même pas la radio de bord et son émission du dimanche, Le disque des auditeurs: “De la part d’un groupe d’allongés du sanatorium à leur marraine.” “Un grand plombierzingueur s’en va dans le soleil…” (RCV, pp. 126-127).

En 1988, Julien Gracq cite ce récit au nombre des textes de son ancienne compagne qu’il préfère, pour son “humour décapant”, “la richesse de son écriture” et “sa réussite de naturel dans l’entreprise scabreuse de restituer un fragment de vie tel qu’il est vécu.” Il y reconnaît, aussi, le timbre d’une voix,

véhémente et souvent passionnée, qui s’est peu souciée à l’époque d’être entendue hors du cercle un peu fermé du surréalisme de l’après-guerre, mais qui, pour avoir dû se taire si vite, n’a pas perdu son pouvoir d’alerter l’oreille. “D’emblée, a écrit de Nora Mitrani André Breton, [dans une lettre écrite à Gracq au moment de la mort de Nora] j’avais été sensible au timbre de ce qu’elle écrivait, et qui lui était propre: un très bel alliage du noble et du grave avec l’ardent.” (RCV, p. 10)


NOTAS

  1. Un coffret-hommage, réalisé par Dominique Rabourdin, a été consacré au réalisateur en 2005 sous le titre Michel Mitrani, une certaine idée de la télévision. Y sont recueillis une bio-filmographie de Freddy Buache co-éditée par la Cinémathèque Suisse et les éditions L’Âge d’homme, incluant plusieurs documents (une lettre de Gracq, une préface par Alain Cavalier, un “Parcours” par Dominique Rabourdin, et un article de Pierre-Henri Deleau) ainsi qu’un double DVD reproduisant huit films, documentaires et interviews de Mitrani (Fipa/INA).
  2. Jean-Paul Sartre, “Qu’est-ce que la littérature?”, Les Temps modernes, janvier-juillet 1947. Article repris en 1948 dans Situations II.
  3. Jacqueline Chénieux, “De l’écriture au féminin dans le surréalisme”, La Femme s’entête (textes réunis par Georgiana Colvile et Katharine Conley), Paris, Lachenal et Ritter, coll. Pleine Marge, 1998.
  4. Georgiana Colvile, Scandaleusement d’elles (trente-quatre femmes surréalistes), Paris, Jean-Michel Place, 1999.
  5. Nora Mitrani, Rose au cœur violet, Terrain vague /Losfeld, coll. “Le désordre”, 1988. Ce volume a pu être réalisé grâce à Jean Schuster, directeur de cette collection, éminent surréaliste de la génération de Nora Mitrani, qu’il avait connue et appréciée, et à Julien Gracq, qui accepta de la préfacer. Sauf mention contraire, c’est à cette édition, notée RCV, que renverront toutes nos références. Je tiens à remercier particulièrement Dominique Rabourdin, dont les conseils et l’aide généreuse ont grandement contribué à enrichir ce dossier.
  6. Dans “Incendies spontanés”, poème recueilli dans Faire signe au machiniste, Joyce Mansour écrit: “Si Dieu est un cerf-volant/ Qui diable est George Sand” [sans point d’interrogation], Paris, Le Soleil Noir, 1977.
  7. Blog d’Orlando de Rudder, qui aurait connu Nora Mitrani alors qu’il était enfant.
  8. Dominique Rabourdin, “Rose au cœur violet”, conférence prononcée le 1 er décembre 2007 au Centre Joe Bousquet à Carcassonne, dans le cadre de l’exposition «Joe Bousquet, j’habite au milieu des couleurs”, et le 26 septembre 2008 lors des 3e rencontres de Chaminadour, à Guéret, consacrées à Julien Gracq. Une première version de ce texte a été publiée par Max Schoendorff, sous le titre “Gravité Mortelle de l’amour”, dans le numéro 29 de Ca Presse (Lyon, juin 2006 ).
  9. Hans Bellmer, entretien avec Bernard Noël, Les Cahiers Obliques, n° 1, numéro spécial Bellmer, 1979.
  10. Hans Bellmer et Unica Zürn, Lettres au docteur Ferdière, texte établi, présenté et postfacé par Alain Chevrier, Biarritz, Séguier, 1994.
  11. Jean-Claude Marceau, “Unica Zürn et les anagrammes du corps”, in Mélusine, n° XXIII: “Dedans-dehors”, Lausanne, L’Âge d’homme, 2003.
  12. “Les jeux à deux” est le titre d’un chapitre annexe de L’Homme jasmin, de Unica Zürn (Gallimard, L’Imaginaire, 1999, pp. 209-228). Sur la question du jeu anagrammatique chez Zürn, on pourra consulter l’article pré-cité de Jean-Claude Marceau, Mélusine n° XXIII, op. cit., ainsi que la postface d’Alain Chevrier aux Lettres au docteur Ferdière: “Sur l’origine des anagrammes d’Unica Zürn”, op. cit. Citons encore Ruth Henry, “Unica Zürn, la femme qui n’était pas la poupée”, et Jean-François Rabain, “Quelques roses pour Unica Zürn”, textes recueillis par Georgiana Colvile et Katharine Conley dans La Femme s’entête, op. cit.
  13. Hans Bellmer, Petite Anatomie de l’inconscient physique ou L’Anatomie de l’image (1957), Eric Losfeld/ Le Terrain vague, rééd. 1978. Nora Mitrani cite cette phrase en épigraphe à “Rose au cœur violet”.
  14. Ces photographies sont reproduites dans Alain Sayag: Hans Bellmer photographe, Paris, Filipacchi / Centre Pompidou, 1983.
  15. Hans Bellmer, Petite Anatomie de l’inconscient physique ou L’Anatomie de l’image, op. cit., p. 37.
  16. Extrait de correspondance non datée, cité par A. de la Beaumelle et L. de Buzon-Vallet dans Hans Bellmer, anatomie du désir, Gallimard / Centre Pompidou, Paris, 2006, p. 230. Est reproduite p. 231 du même ouvrage une photographie de Hans Bellmer et Nora Mitrani chez Joseph Monestier à Toulouse, à l’automne 1947.
  17. Ces œuvres sont reproduites dans Hans Bellmer, anatomie du désir, op. cit.
  18. Ibid.
  19. Sous le titre “Comme l’amandier brûlé par le gel”, Nora Mitrani consacre en 1954 un article à Katherine Mansfield dans Actualité littéraire, nouvelle série, n°2, 1954 (RCV).
  20. Extrait de correspondance cité par Dominique Rabourdin dans sa conférence “Rose au cœur violet”, op. cit.
  21. Ibid.
  22. La description est de Philippe Audouin, Les Surréalistes, Paris, Seuil, “Ecrivains de toujours, 1995. On trouvera, sur la même double page, une photographie du groupe surréaliste où figure Mitrani, derrière Breton et Péret.
  23. Une photographie du groupe surréaliste prise par Denise Bellon à la galerie Maeght montre notamment Nora Mitrani (au visage hélas flou) à côté de Breton. Elle est reproduite dans G. Durozoi, Histoire du mouvement surréaliste, Paris, Hazan, 1997.
  24. Y compris ceux où sont prononcées, en 1948, l’exclusion de Matta et de Victor Brauner, puis leur réintégration, en 1959. Elle refusera en revanche de signer le tract réclamant l’exclusion de Max Ernst, qui avait été l’un des compagnons de captivité de Bellmer au Camp des Milles.
  25. Numéro spécial de La Nef, mars 1950, p. 142. (RCV)
  26. «La révolte en question”, Positions, n° 1, Le Soleil Noir, février 1952.
  27. Médium, nouvelle série, n° 2, février 1954. (RCV).
  28. Lely soutient dans sa Vie du marquis de Sade que l’engagement du cidevant marquis au côté des révolutionnaires ne fut qu’une mystification visant à échapper à la guillotine. Thèse que rejettent violemment les surréalistes, qui croient à la sincérité de Sade révolutionnaire. Sur cette question, on pourra consulter notre article: “Gilbert Lely et le surréalisme. Eclats et éclipse de la “lampe scabreuse”, Gilbert Lely, la poésie dévorante (textes réunis par Emmanuel Rubio), L’Âge d’homme, Bibliothèque Mélusine, Lausanne, 2007.
  29. Le Surréalisme, même, n° 3, automne 1957.
  30. Julien Gracq, préface deNora Mitrani. Rose au cœur violet, op. cit.
  31. Paru initialement en 1959, dans le catalogue de l’exposition EROS, le Lexique succinct de l’érotisme a été réédité en 1970 par Eric Losfeld, dans la collection Le Désordre. C’est à cette édition que renvoient nos références.
  32. Expressions extraites de la fin de l’article: «Des chats et des magnolias”, paru en 1956 dans Le Surréalisme même, n°1 (RCV).
  33. Figure notamment au catalogue de la vente Gracq un exemplaire des Entretiens de Breton portant cette dédicace: “A ma chère Nora Mitrani, qui sait comme j’aime les sombres ardeurs de sa voix. Très affectueusement, André Breton”.
  34. Dominique Rabourdin nous a très généreusement confié une copie de cette conférence en français, qui fut retrouvée dans les papiers d’André Breton.
  35. Traduction: Antonio Souto. Qu’il soit remercié de cette amicale contribution.
  36. “Le dialogue de Londres”, in Bief, n° 10-11, 15 février 1960.
  37. Francis Farrugia et Pierre Ansard , La Reconstruction de la sociologie française (1945-1965), Paris, L’Harmattan, 2000.
  38. J. Cazeneuve, “L’œuvre sociologique de Nora Mitrani”, in Revue française de sociologie, deuxième année, n°4, octobre-décembre 1961.
  39. Cet entretien est paru dans Médium, nouvelle série, n°2, février 1954. Il est reproduit dans l’édition Pléiade des œuvres de Gracq, (t. 1, rééd. 2008). Le projet de mise en scène n’aboutira pas, mais la pièce paraîtra dans les Cahiers Renaud-Barrault, n° 4, 1954.
  40. Propos de Jean-Claude Silbermann cités par Dominique Rabourdin dans la conférence “Rose au cœur violet”, op. cit.
  41. Le Magazine littéraire: “Julien Gracq”, n° 465, juin 2007.
  42. Michel Murat, L’Enchanteur réticent. Essai sur Julien Gracq, Paris, José Corti, «Les Essais”, 2004.
  43. Ibid.
  44. Julien Gracq, préface au volume Rose au cœur violet (1988), op. cit.
  45. Julien Gracq, carte autographe à André Breton (St Florent le vieil, 31 juillet 1959), catalogue de la vente Drouot du 16 mai 2006, visible en ligne sur le site www.bibliorare.com.
  46. Dans une note biographique non destinée à la publication, rédigée à l’intention de Dominique Rabourdin au moment où celui-ci préparait la publication des écrits de Nora Mitrani.

 


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