REVISTA TRIPLOV
de Artes, Religiões e Ciências


Nova Série | 2011 | Número 10

 

   « Pour qu’un sanctuaire apparaisse, 
Il faut qu’un sanctuaire disparaisse » 
Frédéric Nietzsche 

 

1999, c’était il y a neuf ans. Et les sceptiques ont bien ri. Nostradamus s’était trompé, la fin du monde n’avait pas eu lieu. Quant au petit monde féru d’ésotérisme, il se trouva dépité. Et pourtant ! Souvenez-vous. Cette même année 1999, la France connut une tempête comme elle n’en avait jamais vue. Les scientifiques tentèrent, dans un premier temps, de minimiser l’impact de cette catastrophe naturelle, invoquant les statistiques, affirmant que, dans le passé, d’autres tempêtes de même intensité s’étaient déjà produites. Curieusement, depuis, le violent coup de vent de 1999 est qualifié de « tempête du siècle ». Or, dans son célèbre quatrain, Nostradamus n’a jamais donné à entendre que cette date correspondait à la « fin du monde ». Il a uniquement prophétisé une période d’effroi, période de prémices annonciatrices de bouleversements intenses. Or, en 2008, où en sommes-nous ? que nous réserve l’avenir… si toutefois nous en avons un ! Pour le savoir, il convient de comprendre ce qui suit. 

 

 
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Maria Estela Guedes  
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RICHARD KHAITZINE

De l’ère des Poissons

à l’ère du Verseau

Pour comprendre l’avenir de l’humanité

 
   
   
   
   
   
   
   
    L’état des lieux .
 

Le vingtième siècle, si il a été marqué par le progrès scientifique, n’en demeurera pas moins comme une période de retour à la barbarie. Sur les cinquante premières années, onze auront été des années de guerres mondiales, des conflits au cours desquels l’Homme s’ingénia à éradiquer ses semblables, à les rayer du nombre des vivants, et n’hésita pas pour ce faire à user des moyens les plus horribles. Déjà, lors du premier de ces conflits, les armées eurent recours à un armement non conventionnel en utilisant des gaz. Le second recula encore les limites de l’horreur et le monde découvrit avec stupeur qu’il n’ y avait, justement, pas de limites à l’ignoble. Les camps de concentration de l’Allemagne nazie furent une ignominie, mais que dire des bombes que les Américains larguèrent sur Hiroshima et Nagasaki, uniquement à des fins expérimentales ? Hélas, de ces deux guerres, qui décimèrent l’intelligentsia européenne, les nations ne tirèrent aucune leçon. Certes, la guerre froide, et l’équilibre de la terreur atomique aidant, le monde continua de vivre sans avoir à affronter un troisième génocide ; pour autant, la seconde moitié du XXe siècle ne fut pas à proprement parler un temps de paix. Certes, il n’y eut plus rien de comparable avec la guerre de 14 – 18 et celle de 39 – 45, mais les conflits locaux se multiplièrent : Corée, Indochine, Algérie, Viêt-Nam, Koweït, intervention américaine en Irak, sans parler des guerres tribales, localisées, et qui sont autant de bancs d’essais pour les nations exportatrices d’armements, le marché le plus lucratif qui soit. Aux générations sacrifiées sur l’autel de la patrie ont succédé celles sacrifiées sur l’autel de la rentabilité économique et nous assistons à une formidable régression sociale augurant de la mise en place d’un paupérisme organisé. Ce qui n’était encore que marginal, il y a de cela quelques années, est devenu une situation endémique. Le chômage s’étend, frappant des catégories sociales de plus en plus jeunes, de plus en plus diplômées, lesquelles vont grossir les rangs des demandeurs d’emploi quand ils ne peuvent prétendre à un travail précaire. Et, naturellement, dans le même temps on assiste à la casse de l’outil de travail avec ses délocalisations destinées à abaisser les coûts de production en utilisant une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci toujours plus exploitée. On assiste à la  casse du système de santé, avec son cortège de fermetures d’hôpitaux, de déréglementations, de déremboursements de médicaments, de mises en place de franchises d’actes toujours plus élevées. Dans le même temps, nos politiques, rompant de façon unilatérale le contrat qu’ils avaient passé avec les populations, réduisent à la sauvette le taux des retraites, appauvrissant par conséquent ceux qui ne sont plus en activité. Le paradoxe réside dans le fait, qu’en dépit de toutes ces mesures, l’équilibre budgétaire est de plus en plus fragile, que les prix s’envolent et que la consommation plonge. Le surendettement des ménages s’amplifie menaçant d’entraîner des faillites dramatiques et de déboucher sur des situations inextricables. Le pire, c’est que les responsables de ce chaos n’en finissent pas de culpabiliser leurs administrés, leur reprochant d’être responsables du déficit des régimes sociaux. À les entendre, les malades consomment trop de médicaments, les chômeurs sont des fainéants, les salariés ne travaillent pas suffisamment… Ils oublient de préciser que si le système de santé accuse un déficit c’est parce que l’État à « oublié » de reverser les 20 millions d’euros issus des taxes sur le tabac, l’alcool et l’essence, et que le chômage est sciemment organisé parce qu’il correspond, non pas à une fatalité, mais plutôt  à la philosophie du système économique cynique qu’ils rêvent de mettre en place. Ceci est tellement vrai qu’à l’appauvrissement général répond l’enrichissement éhontée d’une minorité de combinards qui siègent à la fois sur les bancs des organisations politiques et dans les fauteuils des conseils d’administration, distribuant ainsi des mannes financières d’une main et les récupérant de l’autre. Car le rêve de ces parasites consiste à gagner toujours plus sans avoir à payer ceux qui produisent. La preuve ? Ne vous vante-t-on pas régulièrement le miracle économique allemand tout en constatant que ce pays compte 5 millions de chômeurs !

Comment en sommes-nous arrivés là ? En schématisant, après l’effondrement du bloc des pays de l’est, la voie devint libre pour l’instauration d’un système ultralibéral, euphémisme ne servant qu’à masquer le capitalisme sauvage sur lequel les U.S.A exerceraient leur « leadership » sans partage. Et l’Europe ? Il s’agit déjà d’une notion passéiste, dépassée par le concept de mondialisation. D’ailleurs cette Europe, tant vantée par nos démagogues à qui les Français viennent de retourner leur copie, montre déjà ses limites  tout en avouant ce qu’elle est. L’insistance que mettent les technocrates de Bruxelles et leurs homologues politiques à faire entrer la Turquie au sein de l’Europe élargie souligne, s’il en était besoin, qu’ils sont inféodés aux visées hégémoniques de Washington, les États-Unis étant désireux de s’assurer une base aérienne arrière. À cela viennent s’ajouter d’autres considérations liées aux intérêts pétroliers. Cette vision est totalement confortée par le constat qui peut être dressé en ce qui concerne les priorités qui on été celles des énarques bruxellois, ainsi que par les directives qu’ils imposent.  Alors qu’on nous a vanté les charmes de la mondialisation et de l’Europe, faisant miroiter à la jeunesse la libre circulation, on s’aperçoit qu’au quotidien les choses sont nettement moins enthousiasmantes. L’immigration se veut sélective. On accueille à bras ouverts les « cerveaux » et les portefeuilles boursiers, mais on expulse les pauvres sans ménagements. Quant à prétendre que L’Europe est destinée à contrebalancer l’hégémonie américaine, il y de quoi rire. Si tel était le cas, comment expliquer que les pays membres se fassent tancer quand leur déficit s’accroît alors que les U.S.A.  ne vivent que sur leur propre déficit budgétaire ? Point n’est besoin d’être une lumière pour se rendre compte que la mise en place d’une monnaie unique, premier des grands travaux européens, répondait à des aspirations plus financières qu’humanistes ! Nous avons pu constater l’incidence de cette brillante idée sur l’évolution des prix. À ce rythme, n’en doutez pas les restos du cœur ne vont pas tarder à se transformer en files d’attente des soupes populaires d’autrefois ! Ce que les énarques et les ultra libéraux souhaitent mettre en place, c’est une société aseptisée, robotisée, au sein de laquelle l’humain lobotomisé n’aurait plus de velléités de rébellion, le Meilleur des mondes agrémenté à la sauce 1984,  pour reprendre les titres des romans écrits par Aldous  Huxley et Orwell. Attention, Big Brother nous regarde et, plus grave encore, le Talon de fer, prophétisé par Jack London, destiné à écraser toutes revendications sociales est levé !

Depuis quelques jours les places boursières internationales sont prises de fièvre et les spécialistes de la finance continuent à prétendre qu’aucun krach n’est à craindre. Pas si sûr. Certes, afin de prévenir la désastreuse situation de 1929, les institutions monétaires se sont évertuées au cours des décennies passées à mettre en place des garde-fous. Pour autant, ces garde-fous semblent inopérants et tous les clignotants s’allument, pris de folie. La situation est encore aggravée par les spéculateurs professionnels qui vendent pour racheter à la baisse. Ce fut cette spéculation éhontée qui fut à l’origine du krach de 1929. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Le système libéral s’effondre. Tout aussi grave, nous assistons depuis quelques mois à la mise en place des conditions visant à déclencher un conflit avec l’Iran et dans lequel la France sera partie prenante. L’installation de bases militaires dans les émirats conforte ce point de vue. L’enjeu ? Le pétrole. Malheureusement, un tel conflit ne restera pas localisé et risque fort d’embraser la planète en déclenchant une troisième guerre mondiale. Tout ceci a été prémédité de longue date et n’est que la mise en œuvre de la fameuse théorie économique de Malthus. Le meilleur moyen de résoudre une crise consiste en une purge, telle était sa philosophie. 

L’industrialisation à outrance et le capitalisme sauvage n’ont pas eu que des effets néfastes au niveau social et économique, ils ont engendré des effets pervers concernant tout l’écosystème. L’urbanisme, en déboisant, a fragilisé les côtes. Au niveau mondial le déboisement à outrance a affaibli le « poumon » de la planète que constituaient les grandes forêts, notamment celle d’Amazonie. Par suite les échanges gazeux naturels sont déséquilibrés, d’autant que les gaz suscités par l’industrie automobile conjointement avec la destruction de la couche d’ozone, génèrent un effet de serre dont les répercussions menacent d’être catastrophiques à court terme. L’industrie et l’agriculture polluantes ont endommagé la nappe phréatique et l’air, engendrant des maladies respiratoires, des cancers. Cette pollution s’est d’ailleurs étendue à toute la chaîne alimentaire. Puisque nous évoquons la chaîne alimentaire, comment ne pas mentionner les différentes affections ayant touché les espèces animales ? L’usage répandu des farines animales, des engrais chimiques et autres produits issus des laboratoires, a considérablement contribué à répandre des virus mortels. Hier la maladie de la vache folle, aujourd’hui la grippe aviaire menaçant le monde d’une redoutable pandémie. À tout ceci il faudrait ajouter les dangers – actuellement ignorés du monde scientifique, à moins qu’il n’en minimise l’impact délibérément  – que constituent les ondes générées par les nouvelles technologies : ordinateurs, téléphones mobiles, etc. Et encore passerons-nous sous silence les expérimentations tentées tous azimuts par les armées des superpuissances. À ce jour, rien ne prouve que le virus Ébola ou celui du Sida ne résultent pas d’expériences menées sciemment ou ayant échappé au contrôle de nos modernes apprentis sorciers. Nous arrêterons là ce bilan particulièrement pessimiste et démoralisant, mais réaliste. Toujours est-il que l’inconscience et la rapacité de quelques hommes risquent de causer la perte de toute l’humanité. Ce ne sera pas la première fois, ainsi que nous allons le voir, sans qu’il soit possible, cependant, de dire si les mêmes causes produisent les mêmes effets. Dans l’impossibilité où nous sommes de remonter à plus de 6 000 ans de vestiges archéologiques, comment pouvoir affirmer que, dans un passé plus ou moins lointain, d’autres civilisations n’ont pas abusé de la science sans conscience pour reprendre la célèbre formule de Rabelais ? 

Toutes les civilisations, et l’histoire en porte témoignage, ont connu un apogée suivi d’un déclin, accéléré par la décadence artistique et le relâchement des mœurs. Il en fut de l’Empire romain comme des civilisations qui le précédèrent et Virgile, dans sa IVe Églogue écrivait : « Le monde oscille sur le point de tourner. » Déjà, en 1927, lors de la première édition de son livre L’Ère du Verseau [1] fréquemment réédité et toujours disponible – Paul Le Cour s’alarmait du « désordre profond s’étendant à tous les domaines : financier, économique, social, économique, intellectuel, artistique, moral et spirituel », ajoutant : «  Tandis que certains peuples manquent du nécessaire, d’autres peuples détruisent leurs récoltes et réduisent leurs culture en excédent. » Ce même auteur, se fondant sur l’Ancien Testament et Platon, notamment, prophétisait un changement d’ère sur fond de bouleversements affectant tous les domaines. Depuis la plus haute Antiquité, les peuples adhérèrent à des croyances axées sur les notions de millénarisme et de messianisme, c’est-à-dire à la venue de la fin des temps suivie de l’apparition d’un « Messie ». Notons que cette croyance est nettement connotée de philosophie judéo-chrétienne, aussi il n’y a rien d’étonnant à la voir déboucher sur la notion de « Paraclétisme » ou avènement du règne du Saint-Esprit,  succédant à celui du fils. Abélard reprit cette idée au XIIe siècle. On retrouve cette notion chez Joachim de Flore, chez Dante, puis chez les Albigeois et les Cathares. Les Hindous possèdent la même tradition, laquelle précise que Vishnou, seconde personne de la trinité brahmanique s’incarne périodiquement sur terre à chaque fois que cela est devenu nécessaire afin de remettre l’humanité dans le droit chemin. Sa dixième incarnation est attendue après l’âge noir, le Kali-Yuga, l’âge de fer, l’ère atomique, notre époque. Précisons que cette convergence des traditions n’a rien d’extraordinaire puisque cette doctrine  n’est qu’une adaptation des enseignements contenus par les textes chrétiens qui furent répandus aux Indes et au Tibet par les Nestoriens. L’Ancien Testament contient un ensemble de prophéties annonçant la venue d’un grand Roi, vers l’an 6000 de l’ère juive. L’ère officielle juive prenant son origine en l’an 3761, avant l’ère dite chrétienne, cela nous mène environ à 2240. Du moins était-ce que  croyaient les ésotéristes du début du XXe siècle. Nous verrons qu’il y a lieu de réviser cette hypothèse.  Le Nouveau Testament n’est pas en reste. Les Évangiles, les Épîtres attribuées à un certain Saint Paul – plus que douteux - [2] ainsi que l’Apocalypse contiennent de multiples références au retour du Christ- Roi. Les églises chrétiennes se sont empressées d’assimiler ces prophéties au retour de Jésus-Christ. Or s’il doit y avoir retour, cela ne s’entend pas au sens d’une présence physique, mais plutôt cosmique, un bouleversement énergétique.

Quand doit se produire ce fait, à la fois redoutable et extraordinaire ? Très bientôt. On trouve dans les Évangiles un passage extrêmement précis. Jésus demande à ses Apôtres de se rendre à Jérusalem afin d’y préparer la Pâque. Comme ces derniers craignent de se perdre, le « Fils de Dieu » leur précise qu’il verront un « homme portant une cruche d’eau » se diriger vers une « maison où il entrera ». Cette allusion est limpide et doit se comprendre comme étant de nature à la fois astronomique et astrologique. Il s’agit de l’entrée du soleil dans une maison ou demeure zodiacale, une constellation, celle que l’on qualifie de Verseau : Le Verseur d’eau. En avril 1912, Pierre Dujols – personnage que nous avons évoqué dans l’article précédent – écrivit à Paul Le Cour : «  Il se prépare je ne sais où un mouvement  immense qui, quoi qu’il arrive, ne peut être que salutaire pour l’humanité. Redoutable peut-être au point de vue du christianisme extérieur et confessionnel, il porte avec lui ou malgré lui une formule religieuse inédite transfigurée, une ère de rénovation attendue de tous les hauts esprits des temps modernes. »

Cette ère nouvelle fut annoncée également par Victor Hugo. Dans La Légende des Siècles, un premier poème, intitulé Pleine mer, fait référence à l’ancien âge sous l’aspect du navire Léviathan (le Poisson) coulé entre deux eaux. Un second poème, Plein ciel, représente l’âge nouveau figuré par un navire volant, en marche à travers l’éther, symbole de l’âge aérien du Verseau. Dans son Post Scriptum de ma vie, l’auteur des Misérables eut une autre prémonition. On peut lire en effet : « Levez-vous pour le travail, couchez-vous dans la prière, endormez-vous du côté de l’inconnu, ayez pour oreiller l’infini, aimez, croyez, espérez, vivez, soyez comme celui qui a un arrosoir à la main, seulement que votre arrosoir soit de bonnes œuvres et de bonnes paroles. » Cette image est pour le moins troublante, et outre qu’elle appelle l’humanité à renouer avec la charité, ne se voulait-elle pas une évocation de Ganymède, le héros de la mythologie grecque, l’emblème du Verseau ?

  Comme son nom le suggère, le signe du Verseau est versatile, aussi ne doit-on pas s’attendre – contrairement à ce qu’affirmaient de façon simpliste les auteurs du New-âge – à entrer dans l’ Âge d’Or. Avant d’en arriver à une société idéale du type de celle que les Grecs évoquèrent en mentionnant la « bienheureuse Arcadie », [3] nous devons nous attendre à connaître une période agitée, et ce dans tous les domaines. C’est d’ailleurs ce que l’on peut lire dans un roman qui fut pour beaucoup dans l’abolition de l’esclavage et l’émancipation de nos frères noirs. Ce roman, écrit par Harriet Beecher-Stowe, et publié en 1851, c’est La Case de l’Oncle Tom. On peut y lire ces lignes : «  Ce qu’il y a de certain, c’est qu’aujourd’hui une colère sourde gronde à travers les masses dans le monde entier : je sens venir…ou demain, ou plus tard… un terrible Dies Iræ… Les mêmes événements se préparent en Europe, en Angleterre du moins et dans ce pays. Ma mère avait coutume de parler d’un millésime qui approchait et qui verrait le règne du Christ, et la liberté et le bonheur de tous les hommes. Quand j’étais enfant, elle m’apprenait à prier pour l’avènement de ce règne. Quelquefois je songe que ce soupir, ce murmure, ce froissement que l’on entend maintenant parmi les ossements desséchés, prédit le prochain avènement de ce règne. Mais qui pourra voir le jour où il apparaîtra ? » On retrouve ce même thème sous la plume d’un auteur, considéré en général comme étant plus optimiste que Huxley et Orwell. Dans son roman peu connu : The soul of bishop ( l’âme d’un évêque), H.G. Wells, l’auteur de la Guerre des mondes, évoque une guerre apocalyptique s’étant élevée « parce que les hommes avaient oubliés Dieu » et qu’ils « adoraient de vains simulacres, parce qu’ils étaient fidèles à des fantômes de race et d’empire… » Wells ajoute que la venue d’un « Roi du monde » est imminente : « Il vient ! j’ai vu, en Orient comme en Occident, les cœurs, les esprits et les volontés des hommes se tourner vers lui aussi infailliblement que l’aiguille aimantée se tourne vers  le nord… »

  L’astrologie religieuse
 

L’astrologie en question se situe aux antipodes de l’astrologie des modernes « marchands du Temple », il s’agit de celle que connaissaient les constructeurs de cathédrales, ainsi qu’en témoigne la façade de Notre-Dame-de-Paris, notamment. Cette astrologie s’occupe, non du devenir individuel, mais de l’évolution spirituelle de l’humanité. Elle fait débuter le cycle zodiacal au signe de la Vierge qui enfante et non au signe du Bélier, et le termine au signe de la Balance, représentant l’équilibre réalisé. On remarquera que ce cycle est rétrograde puisque, dans le domaine de l’astrologie populaire, la Balance suit la Vierge. C’est que l’astrologie religieuse s’appuie sur la connaissance du secret du Zodiaque et du phénomène de la précession. La précession consiste en un lent mouvement apparent du soleil qui lui fait parcourir les douze constellations zodiacales en un sens contraire du mouvement annuel, et cela en 26 000 ans approximativement – 25 920 ans pour être plus précis. C’est à Hipparque (200 avant notre ère) que l’on a attribué la découverte de ce mouvement qui déplace le soleil sur le plan de l’écliptique à l’équinoxe de printemps de 1/72e de degré chaque année. Or chaque fois que le soleil change de signe, il se produit une transformation sociale et religieuse en rapport avec le nouveau signe. Il en a été ainsi dans le passé et il en sera de même dans le futur… si futur il y a ! Ainsi, il y a environ 2160 ans, le soleil transita dans la constellation des Poissons, ce qui eut pour effet de bouleverser la vie sociale et religieuse du monde. On notera que la nouvelle religion, dite chrétienne, fut entièrement placée sous ce symbole. Les premiers chrétiens avaient adopté le poisson comme signe de reconnaissance, Jésus prit pour Apôtres des pêcheurs, l’un des principaux miracles accomplis est celui de la pêche miraculeuse. Le mot Ichtus (poisson) fut à l’origine de l’expression Iésous Christos Théos Uios Soter ( Jésus Christ Dieu Sauveur des Hommes). Enfin, notons aussi, que lors de la dernière Cène, Jésus lave les pieds de ses apôtres. Or, en astrologie, le pied est relié à Jupiter et au signe des Poissons. Il est très fréquent que les natifs des Poissons soient affligés d’une fragilité de cette partie anatomique. 2160 avant l’ère des Poissons, le soleil se situait dans la constellation du Bélier. Ce fut l’époque où des têtes de béliers furent sculptées dans toute la vallée du Nil et souvenez-vous que dans le judaïsme de l’époque on sacrifiait cet animal. 2160 plutôt, le soleil se trouvait dans le signe du Taureau. Les hommes adoraient Mithra le dieu à tête de taureau. C’est à cette dernière ère qu’il convient de rattacher la tradition des courses de taureaux. Dans les corridas, la mise à mort se veut un rappel de l’ancien taurobole ou sacrifice du taureau. Dans d’autres formes de courses, le symbolisme solaire est nettement présent puisque les participants les plus audacieux sautent par-dessus l’animal, effectuant un soleil ! À cette époque, on trouvait des divinités ayant le taureau pour emblème aussi bien en Égypte, en Crète, en Chaldée, qu’en Assyrie. Le défilé du « Bœuf gras », chez nous, est une survivance du culte du Taureau.

Concernant le cycle précédent, celui du Bélier, observons que le nom de certains pharaons, Ramsès, date de ce cycle. D’ailleurs, en celte, Ram désigne un bélier ; le même mot a subsisté en anglais. L’origine du nom du héros du Râmâyana – mythologie hindoue – est la même, tout comme celle de Brahmâ. Ce fut le pharaon Amenemhât qui, deux mille ans environ avant notre ère, substitua le culte du bélier Amon à celui du bœuf ou taureau Apis et fit construire le temple de Karnak, précédé par une double file de béliers. Sur la tombe du pharaon Seti 1er, mille cinq cents ans avant notre ère, figure un bélier dont la tête est surmontée d’un globe solaire, ce qui donnerait à entendre que le phénomène de précession était déjà connu. Nombre de personnages ou d’événements mentionnés par la Bible judaïque font référence à ce sujet. Moïse interdisant aux Hébreux de continuer à adorer le veau d’or est une allégorie du passage du culte du taureau à celui du bélier. Le nom d’Abram, devenu par la suite Abraham, se traduit par père du bélier. Le bélier conducteur du troupeau porte une cloche or, dans les langues du nord une cloche se dit Bel. [4]

  La théorie des cycles et la grande année précessionnelle  
 

10 500 environ avant notre ère, aux dires de Platon, l’Atlantide disparut sous les flots. Ce cataclysme maritime, les civilisations les plus diverses semblent en avoir conservé le souvenir épouvanté. C’est le Déluge rapporté par l’Ancien Testament. Si nous ajoutons les 2000 ans de notre ère, nous constatons que cette disparition a eu lieu il y a de cela 12 500 ans. Ceci est à conserver en mémoire et ne va pas tarder à nous renseigner quant à ce qui attend l’Humanité.

Nous avons vu que chaque ère, caractérisée par l’un des signes du zodiaque, possède une durée de l’ordre de 2160 ans. Comme il existe 12 signes, la durée d’un cycle entier est d’environ 25 920 ans. Or Fulcanelli affirmait que notre globe terrestre était soumis, périodiquement tous les 25 000 et 12 500 ans à un double cataclysme. À ces époques, les hémisphères se trouvent livrés, alternativement, à l’action du feu et de l’eau. L’intensité de ce double cataclysme est plus forte lorsqu’il s’agit d’un cycle de 25 000 ans. La dernière fois, l’hémisphère austral fut détruit par le feu et l’hémisphère boréal fut noyé sous les eaux. Le phénomène devrait donc s’inverser lors de la catastrophe future. Il est intéressant de constater que ce double cataclysme correspond, sur le plan symbolique, aux deux baptêmes du Nouveau Testament, celui faisant intervenir l’eau et l’autre, le baptême d’esprit ou de feu. Fulcanelli expliquait cette inversion du rôle des éléments destructeurs par un renversement des pôles. Nous  reviendrons sur ce point dans l’article suivant.

Toujours est-il que de tels événements semblent devoir se reproduire dans l’ère du Verseau. Déjà, au début des années 60, on entendait parler de ce changement d’ère dans les milieux ésotériques, certains allant même jusqu’à prétendre que nous entrerions dans le Verseau en 1962. De nos jours, ces mêmes milieux évoquent la date de 2160. Personne ne sait quand ce passage sera effectif. Placer l’entrée dans le Verseau en 2160 ne repose que sur un calcul simpliste effectué à partir de notre an 0, correspondant à la naissance de Jésus.[5] En outre, rien ne justifie l’hypothèse selon laquelle l’ère des Poissons aurait débuté aux alentours de 0. En revanche, il est certain que, depuis l’antiquité, le déplacement du point vernal a connu une accélération qui a  encore augmenté depuis les années 1900. Au lieu de se déplacer d’un degré tous les soixante douze ans, le point vernal franchit ce degré en 71 ans et des poussières. Nous serons donc dans le Verseau avant la date présumée de 2160. Enfin, il est curieux de constater que le Verseau est représenté en astronomie par deux lignes ondulées parallèles. Il s’agit de l’hiéroglyphe représentant l’eau, en Égypte, comme au Mexique. Au Mexique, ce signe graphique signifiait ATL (eau) qui est la racine du nom de l’Atlantide. Sur les cartes célestes, le Verseau est représenté sous l’aspect d’un jeune homme, coiffé du bonnet phrygien, et tenant une urne dont il déverse le contenu sur la Terre. Ce personnage se nomme Aquarius ou encore Ganymède et son histoire est contée dans les mythes grecs. S’agissant d’un conte instructif, nous allons le résumer pour l’édification des lecteurs de Top secret.

  Le mythe de Ganymède
 

Zeus, le maître de l’Olympe, mécontent des services d’Hébé, chargée de verser aux dieux l’ambroisie, liqueur de la Connaissance et de l’Immortalité – autant dire l’élixir – jeta son dévolu sur un jeune crétois : Ganymède. L’éphèbe était fils de Tros et de Callirrhoé. Zeus, qui en matière de jeux amoureux était « à voile et à vapeur », résolut de l’enlever et d’en faire l’échanson  des dieux. Pour ce faire, il adopta la forme d’un aigle. Il se saisit de Ganymède et l’emporta dans les cieux. 

L’étymologie courante de Ganymède est : « celui qui prend soin de la boisson (des dieux) ». Cette boisson c’est aussi bien celle de Dionysos, chez les Grecs, celle du vase de Corydwen, dans la tradition celte, celle du Graal dans la tradition celto-chrétienne. Il s’agit de la liqueur qui procure l’ivresse mystique et la connaissance des choses cachées. Le nom de Ganymède doit être, également, rapproché du grec médomai, signifiant « prendre soin » –  comme dans médecin – et de la formule inscrite au fronton du temple de Delphes : Meden Agan : rien de trop. Ganymède représente donc l’équilibre, la juste mesure que l’humanité retrouvera avec la venue de l’ère du Verseau.

  Conclusion
 

En résumé, le Verseau, symbolisé par Ganymède, dont le nom peut aussi se décliner en ganos medomai (celui qui procure la joie), promet aux hommes un monde plus juste, plus beau, d’où seraient bannies l’injustice et l’iniquité. Il est curieux d’observer que le signe des Poissons est relié à Jupiter – le Zeus des Grecs – et que son nom latin Iovis signifie justement « joie » ainsi qu’en témoignent les mots jovial, jovialité etc. Ganymède étant le « verseur des eaux célestielles », il est évident que le retour du Christ doit s’entendre au sens cosmique et non comme une présence physique. Cela n’a rien à voir avec ce que  voudraient certains auteurs fanatiques, attachés à la lettre des Évangiles, et dans l’attente de la venue d’un « Grand Monarque » qui comblerait leur nostalgie de la royauté ! Les eaux célestielles en question sont synonymes de principe, l’Arkhê ou Archée des Grecs (Archimède : qui possède le principe), le Mercure universel des alchimistes, l’Esprit ou feu, le principe de vie. Mais avant d’en arriver là, il sera nécessaire d’éliminer les scories du vieil âge, de l’âge atomique, d’abandonner la fission atomique, synonyme d’instinct de mort, au profit de la fusion ou instinct de vie, dont la caractéristique est la fusion des âmes, ce que l’on nomme l’amour !

C’est exactement ce que concluait Pierre Dujols de Valois, le libraire érudit, grand ami de l’alchimiste connu sous le pseudonyme de Fulcanelli, dans ses écrits : « La vie est une éternelle vicissitude, une roue qui tourne, inlassablement, dans le temps et l’espace. Tout est flux et reflux, changements et métamorphoses. Ce qui a été doit redevenir. Multa renascentur quae jam audere, dit un vieil adage. Les philosophes comparent la Grande Révolution du Monde à celle de l’année. Il y a quatre époques, qui correspondent à nos quatre saisons, et chacune de ces époques apporte avec elle une civilisation et une religion différentes. L’âge d’or est la période d’innocence et de bonheur où la nature travaille pour l’homme qui n’a qu’à cueillir l’heure qui passe et le fruit qui tombe de lui-même. C’est les « Nouveaux cieux et la nouvelle terre » de l’Apocalypse, la véritable Jérusalem, ou le monde restauré dans la vérité. Ce qui devrait faire admettre que l’ancienne Jérusalem n’est pas un point géographique [6] de la Palestine, mais le vieux monde d’iniquité.

Nous vivons dans le règne de la matière, le règne de l’esprit doit fatalement avoir son tour. Mais notre humanité est trop charnelle pour jouir de ses béatitudes. Elle ne peut être transfigurée que par l’épreuve de la mort et ne doit rentrer dans la Terre Promise qu’après avoir dépouillé le vieil Homme. L’âge d’or des poètes, le communisme de Platon et des utopistes, c’est le Royaume céleste des Évangiles. L’Église proteste qu’il n’est pas de ce monde. Les mystagogues, fondés sur les canons égyptiens, assurent, comme les millénaristes, qu’il doit au contraire pacifier la terre et réconcilier Satan lui-même avec Jésus. [7] Il n’y aura alors plus d’hérésie, parce qu’il n’y aura plus de religion. Ce serait l’anarchie, anarkhia, la licence, et l’anarchie est considérée par les compagnons eux-mêmes comme « le doux règne de l’Amour. » L’humanité vivrait selon la nature après avoir fait table rase des conventions sociales. » [8]

Il est prévu, effectivement, que le Verseau entraîne la chute des religions actuelles. En lisant ce texte de Dujols, on ne peut que sourire de la réflexion d’Eugène Canseliet qui, se prétendant le seul disciple et unique élève de Fulcanelli, affirmait que l’admiration porté par son Maître à Pierre Dujols s’expliquait par le fait que ce dernier était un descendant des Valois. Contrairement à ce que voulurent faire croire nombre d’auteurs, nostalgiques de la monarchie et se complaisant dans un certain fanatisme religieux, tout le milieu hermétique de l’époque fut libertaire. Reste à préciser que l’Anarchie n’est pas, contrairement à une idée reçue, l’absence de gouvernement, mais bien plutôt l’aspiration à une société idéale débarrassée du despotisme, fût-il couvert du masque de la démocratie.

                                                                        Richard Khaitzine

 

[1] . éditions Dervy

[2] . Au sujet de l’invention de Saint Paul à partir de Saül, persécuteur des christiens, par une secte de fanatiques juifs, lire Marie- Madeleine et Jésus, de Richard Khaitzine (éditions MCOR– La Table d’Émeraude)

[3] . Cette expression doit sonner de façon familière aux admirateurs de Poussin… et de ses Bergers !

[4] .  Cette étymologie, si elle ne nous apporte rien ici, trouve son intérêt, appliquée à un récit de Raymond Roussel. En effet, dans Une page du Folk Lore Breton, il a introduit un mouton du nom de Bel et Bon. Si vous jetez un coup d’œil dans un dictionnaire, au mot mouton, cela peut vous ouvrir des perspectives intéressantes… Mais ceci est une autre histoire.

[5] . Cette datation est totalement farfelue, puisque l’Église a varié plusieurs fois quant à la date de la Nativité. En outre, comme nous sommes en présence d’une allégorie et non de faits historiques le raisonnement ne tient pas debout.

[6] . Voir à ce sujet l’article suivant : La colère de Mère Nature

[7] . Ceci n’est pas à prendre au sens littéral sous la plume de Dujols.

[8] . La Chevalerie Amoureuse, Troubadours, Félibres et Rose-Croix (La Table d’Émeraude)

 

 

RICHARD KHAITZINE (FRANCE)
Écrivain, romancier, historien, critique d’art et scénariste français, né le 20 septembre 1947 à Paris et demeurant à Paris. Il est issu d’une famille de juifs russes émigrés d’Odessa en 1914. Au cours de sa carrière d’écrivain, il a publié une trentaine d’essais, dont plusieurs sont devenus des livres de référence, sur des sujets aussi divers que la littérature, la peinture, la Franc-maçonnerie, le symbolisme, les religions et l’hermétisme. Tous ces travaux font une large part à l’histoire de l’alchimie, aux arts et traditions populaires qui en sont les véhicules. Il est l’auteur, également, de deux romans.
Il a participé au colloque de Lisbonne en 1999 et à celui de Quinta da Regaleira en 2009. Richard Khaitzine se définit comme «un agitateur d’idées, un penseur libre, un résistant qui refuse le terrorisme intellectuel et la pensée stérilisée imposés par ceux qui séquestrent la culture dans des nécropoles dont ils se sont autoproclamés les gardiens. » Il est membre de la Société des gens de lettres depuis 1998. Quelques titres publiés : * La langue des Oiseaux (tome 1) Le second tome consacré à Georges Perec et à Raymond Roussel est en cours de publication. * De la Parole voilée à la Parole perdue
* Marie Madeleine et Jésus. * Quand la Terre gronde. * La Joconde, histoire, secrets et énigme. * Le Comte de Saint-Germain, hypothèse et affabulations.
* Peter Pan… pour une lecture intelligente des contes.
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