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Marie-Paule Desaulniers
Entre fascination et frustration :
le Vietnam
(7-30 janvier 2008) |
Plan
Introduction
1-Un pays de soleil et d’eau
2- Une culture sous double influence
3- Une langue écrite particulìère en Asie
4- Une histoire millénaire encore peu reconnue
5- L’après deux guerres
6- Au pays des motos
7- Artisanat, arts et commerce
Références
........... IMAGES
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Introduction |
Que peut–on voir et comprendre du Vietnam quand on le visite pour la première fois, alors que son enfance française a été baignée par des récits familiaux sur l’Indochine et que le passé récent a fait de vous une nord américaine ? Ma double identité franco-québécoise généralement assez bien assumée a été confrontée au souvenir de deux guerres, l’une coloniale (la guerre d’Indochine menée par les français) et la seconde politique ( la guerre du Vietnam menée par les américains). Pendant ce voyage, l’évocation de ces deux évènements a amené son lot de mauvaise conscience indissociablement lié à une réelle fascination pour un monde à découvrir. Ajoutez à tout cela, mes retrouvailles avec mon amie philosophe portugaise Ana Luisa Janeira et vous aurez une idée du tourbillon de contrastes et d’ émotions liés à ce voyage. |
1-Un pays de soleil et d’eau |
Notre première impression en arrivant dans ce pays est celle de l’humidité. Non seulement il pleut pendant ce mois de janvier 2008 mais le pays semble totalement immergé, entre rizières inondées et plages, mousson et ouragans, fleuves et rivières. Une fine buée voile les montagnes entourant My Son ; le ciel semble constamment chargé de pluie que les vietnamiens appellent poétiquement des « larmes ». Me reviennent alors des souvenirs de conversations et de lecture, et tout particulièrement des textes de Marguerite Duras dans Un barrage contre le Pacifique. Elle y raconte la vie de sa mère dans le delta du Mékong, son combat contre l’inondation et les crues, la moiteur de l’été, le lavage de la maison à grande eau. Le paysage le plus connu du Vietnam, celui de la Baie d’ Hai long est une célébration de l’eau, de la vapeur, de la douceur.
Dès que nous quittons la ville, les rizières d’un vert presque fluorescent dans le sud s’étendent en longs rubans alors qu’elles sont encore couvertes de boue dans le nord. Mais partout, des femmes courbées, encapuchonnées sous de grands imperméables en nylon rose ou jaunes, sarclent ou repiquent les plans de riz. Elles pataugent pieds nus dans l’eau froide, très rarement les voit-on chaussées de bottes. Elle ne chevauchent pas les buffles patients, mais les guident à pied. Que penser de ce spectacle quand on l’observe d’une fenêtre d’hôtel luxueux, où l’on vient pour son seul plaisir ? Comment concilier l’admiration que l’on éprouve pour toutes ces femmes courageuses et le sentiment que le tourisme n’est pas la vraie vie mais une vie privilégiée accompagnée d’un regard à travers la fenêtre ? Beaucoup d’autres femmes vietnamiennes que nous avons rencontrées travaillent dans l’eau ; les pêcheuses de crevette, les innombrables femmes qui proposent aux touristes leur service de buanderie, les employées des soieries qui débobinent les cocons de vers à soie en les sortant de l’eau bouillante, les marchandes de trottoir qui lavent les légumes qu’elles vont cuire, puis font consciencieusement leur vaisselle. Le Vietnam vit du travail méticuleux et harassant de sa population féminine ; le plus étonnant est qu’on n’en fasse si peu de cas. ( Photo ; retour de pêche) .
Toute cette eau du ciel et de la terre et le soleil ardent favorisent un climat tropical. Moi qui viens doublement du froid, celui de mes Vosges natales et celui du Québec de ma vie adulte, je ne me lasserai jamais de regarder la végétation des pays chauds. Après les douaniers, ma première vision de l’aéroport de Ho Chi Min-Ville fut celle de pots d’orchidées. J’ai retrouvé ces orchidées violettes m’accueillant dans l’entrée de chaque hôtel. Elles débordaient des comptoirs du marché Ben Thanh à Ho Chi Min-Ville, en gros bouquets emballés sous cellophane ou même en couronnes, prêtes pour le fête du Têt.. Devant chaque temple, on aperçoit des bougainvilliers roses et oranges qui partent à l’assaut des murs, des palétuviers immenses, sans feuilles mais surmontés de fleurs blanches et odoriférantes, de grands poinsetias un peu fatigués mais gardant tout de même leurs feuilles rouges en couronne, des bonzaï en pots. Des fleurs bleues voisines des volubilis dégoulinent le long des toitures, enlacent les fenêtres. La mousse s’accroche aux tuiles et aux toitures retroussées des vielles maisons de Hoi Ann. Et dans les derniers jours de janvier précédant la fête du Tet du 7 février 2008, des trottoirs entiers de Hanoi sont bordés de pots de pruniers jaunes, de pêchers roses et de mandariniers pleins de petits fruits, prêts à être livrés en motocyclettes ou en vélo (Photo Mandariniers du Tet). C’est sans compter les palmiers, les bananiers et tous les autres arbres magnifiques dont j’apprécie l’ombre sans connaître les noms. Bien loin de pouvoir comme le botaniste Loureio faire le décompte et la description scientifique de la flore vietnamienne, je demeure ébaubie par cette luxuriance exotique. Je reconnais cependant que mon amie Ana qui connaît très bien les jardins botaniques et voyage fréquemment au Brésil a moins de raison que moi de s’ébaubir. À cette abondance pourtant bien relative à cette époque de l’année, il faut ajouter la beauté des étals de fruits et de légumes dans les marchés, et conséquence savoureuse, la variété de l’alimentation et la fraîcheur des produits. J’aurais voulu tout toucher (ce qui est impossible car au Vietnam, toucher signifie vouloir acheter), tout connaître (ce qui est impossible quand on ne maîtrise pas la langue d’usage) et tout goûter, (ce qui est impossible quand on est touriste). Car il est clair dans l’esprit des restaurateurs vietnamiens que les touristes ne peuvent avaler que des ananas, des pastèques et des mangues, c’est–à dire à peu près ce qu’ils trouvent à fort prix dans leurs pays respectifs !! Adieu pomme étoilées, longanes, sapotille, jambose…. (Photo Fruits) Adieu merveilles multicolores des marchés. Le statut de touriste engendre quelques frustrations dont celle de ne pouvoir goûter le pays qu’avec parcimonie. C’est ainsi que jamais au grand jamais, on ne nous proposé, ni apporté du Nuoc mam pourtant essentiel pour déguster les poissons. Il ne viendrait pourtant à aucun vietnamien l’idée de s’en passer à table… |
2- Une culture sous double influence |
C’est probablement un euphémisme que de parler d’influence quand on se réfère d’ une part à l’empire chinois et d’autre part à l’état français. Il reste d’une part que le Vietnam s’est développé en quittant progressivement l’un et l’autre et que d’autre part, des signes évidents de ces influences émergent partout. Nous avons toutes les deux visité la Chine et nous connaissons la France pour y avoir vécu ; ces expériences nous ont probablement rendues plus sensibles aux signes sensibles de leur présence au Vietnam. |
La Chine |
La Chine a conquis le pays par le delta du fleuve rouge au nord dès le IIe siècle avant JC, conquête à laquelle des seigneurs locaux tentèrent souvent de s’opposer. Après la chute de la dynastie des Tang au Xe siècle, les vietnamiens se sont révoltés et ils ont reconquis leur indépendance du XI au XIII siècle. Mais la Chine a repris le contrôle au XIIIème siècle, jusqu’à la victoire de Tran hung Dao et la reprise de pouvoir des vietnamiens au début du XVème siècle. En 1418 Le Loi a provoqué une insurrection et s’est nommé empereur en 1428 ; c’est le véritable fondateur du Vietnam. Dans chaque ville du pays, on trouve une rue Le Loi.L’histoire du Vietnam est celle d’une incessante lutte pour l’unité et pour l’indépendance.
Des traces de l’empire chinois sont encore visibles dans la culture vietnamienne. En voici quelques unes :
Des nombreux temples confucéens dont le plus bel exemple est le superbe Temple de la littérature d’Hanoi. C’est à la fois un temple, une académie d’enseignement confucéen, et un panthéon consacré aux grands lettrés dont les hauts faits sont relatés sur des stèles de pierre élevées sur des carapaces de tortues, symboles d’éternité. Cette université édifiée en 1076 est plus ancienne que les plus anciennes universités européennes comme celle de la Sorbonne fondée à Paris en 1250.
Des constructions civiles comme les citadelles de Hué et de Hanoi, anciennes capitales, élaborées à partir du modèle des cités impériales chinoises ; portes majestueuses, cité pourpre interdite comprenant des palais et des temples placés sur un plan rectangulaire, dragons et phoenix sculptés, lacs, et petits jardins clos
La présence active d’une population chinoise, essentiellement commerçante. Dans la partie ancienne de la ville de Hoi An, se trouvent les maisons des congrégations chinoises de Hainan, de Canton et de Chaotzou, sortes de centres communautaires toujours actifs.
(Photo Maison commune chinoise)
La calligraphie chinoise fut jusqu’au XVII siècle la seule écriture savante au Vietnam. Elle demeure une forme d’art importante et reconnue. Les maisons sont ornées de calligraphie sur fond rouge pour la fête du Tet. (photo Calligraphie).
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La France |
La colonisation française de 1859 à 1954 a été réalisée au nom du catholicisme, de la patrie et de la stratégie. En 1862, elle englobait les trois provinces orientales de la Cochinchine ou Vietnam du sud. Puis elle s’est étendue au nord avec la prise du Tonkin en 1872. En 1887 l’Union indochinoise comprenait la Cochinchine, l’Annam, le Tonkin, le Cambodge, le Laos et amenait la fin de l’indépendance politique du Vietnam .Le sentiment anticolonialiste et nationaliste a amené la guerre d’Indochine de 1946 à 1954.
Des traces de la présence française sont encore visibles au Vietnam. En voici quelques unes qui nous ont particulièrement frappées:
De nombreux bâtiments coloniaux jaunes dont l’exemple le plus étonnant est le bureau de poste central de Ho Chi-Minh Ville. Cette construction qui, à part sa couleur jaune, pourrait être celle d’un grand lycée parisien, comprend un fronton orné des noms de savants français; Lamark, Pasteur, Linné, Buffon. On trouve également une rue Pasteur à proximité. La rationalité laïque à la française se présente comme contrepoids à la cathédrale Notre-Dame qui se trouve à proximité , également construite par les autorités françaises.
De grands travaux réalisés pour l’exploitation économique de la colonie; le pont métallique de Hué construit par Eifel sous la direction de Paul Doumer qui fut administrateur colonial d’Indochine avant de devenir président de la République française, la ligne de chemin de fer Hanoi- Saigon devenue la Ligne de la réunification, le réseau routier.
L’exploitation des ressources naturelles ; les mines de charbon encore en activité près de la baie d’ Hai Long, la culture du café robusta, les plantations d’hévéa que l’on voit dans le film Indochine.
La toponymie : le terme « Annam », utilisé par les Chinois pour désigner le Vietnam en 670 a été repris par les français pour en désigner une partie centrale Les villes ont porté des noms français ; Saigon est devenue Ho Chi Minh-Ville ( HCMV) en 1945, Tourane est devenu Danang, Faifo est devnue Hoi An et le golfe du Tonkin est resté égal à lui-même.
Et dans la vie quotidienne, les parcs et les petits cafés de Ho Chi Minh-Ville, la baguette parisienne omniprésente et la Vache qui rit sur toutes les tables ! il n’ y a rien de plus drôle que de voir sa bouille sympathique affublée de ses grandes boucles d’oreilles et de caractères vietnamiens.
Au point de vue culturel, il faut saluer l’action de la France pour mettre en valeur et défendre la culture ancienne et actuelle du Vietnam, tout particulièrement dans le domaine artistique. Le Musée des Beaux Arts de Hanoi est, en effet, l’ancienne Ecole des Beaux Arts d’Indochine construite par les français en 1925 pour y enseigner aux artistes vietnamiens l’esthétique occidentale soit la perspective, l’anatomie, la composition et l’histoire de l’art occidental afin de favoriser un art national moderne.(photo Musée ) On peut y voir comment à partir de l’influence de l’art moderne (en particulier Chagall, Picasso et Léger), les peintres vietnamiens ont élaboré un art propre qui intègre leurs techniques traditionnelles comme le laque et la peinture sur soie, qui relate leur histoire récente marquée par la guerre et qui présente leur vision du monde. (Photo Laque). Malheureusement après la période du réalisme socialiste des années 1950, il n’ y a plus d’oeuvres récentes présentées dans ce musée.
Le musée d’ethnologie de Hanoi est un hommage et une mise en valeur du mode de vie et des productions des quarante minorités ethniques réparties sur le territoire vietnamien, essentiellement sur les plateaux du centre et les montagnes du nord-ouest voisines de la Chine. Ce magnifique musée a été crée en collaboration avec le Musée de l’ Homme de Paris. L’exposition Nous avons mangé la forêt que nous avons visitée montre le travail de l’ethnologue Georges Condominas dans un village Mnong en 1948-1949 à l’aide de films, de notes de terrain, d’entrevues, et d’artéfacts ; elle a été réalisée en collaboration avec le Musée du Quai Branly, l’ambassade de France au Vietnam, le centre Espace et l’UNESCO.
Le musée de la sculpture Cham de Danang a été, lui aussi, construit par les autorités coloniales françaises. Il présente un ensemble de sculptures issues des temples, des tours et des bâtiments civils du royaume Champa. Elles ont été sauvegardées par qu’elles ne se trouvaient déjà plus sur les sites champa les plus importants comme celui de My son lorsque ce dernier a été bombardé par l’aviation américaine. ( Photo danseuse Cham)
Il m’est impossible de ne pas remarquer à quel point la culture majoritaire (celle des vietnamiens ) et les cultures minoritaires ( celle des tribus montagnardes et des Cham ) ont été mises en valeur par des étrangers et non par les vietnamiens eux-mêmes. Et de comparer cette fascination avec celle que continue à provoquer en Europe les peuples amérindiens et Innus du Québec. Le regard de l’autre est-il toujours nécessaire pour se trouver et se mettre en valeur, dans la vie internationale comme dans la vie amoureuse ?
Ce lien culturel entre la France et le Vietnam est toujours vivant. C’est ainsi qu’on peut trouver à Hoi An une bibliothèque pour enfants parrainée par la ville de Toulouse et un Centre de loisirs culturels financé par le Conseil général de la Somme. Ce lien est toujours vivant, qu’ il soit dû à l’attrait touristique pour le pays , à l’ intérêt pour la culture vietnamienne ou à la fidélité idéologique. On rencontre des couples de touristes français manifestement émus par leur visite au Mausolée et au musée consacrés à Ho Chi Min à Hanoi.
Certes, la Chine et la France ont été des nations conquérantes, mais ce sont aussi deux civilisations ayant laissé leurs marques dans ce pays. Le Vietnam a effectué une longue démarche d’autonomie politique conquise par la guerre, par le développement économique et l’affirmation culturelle. Dans ce dernier domaine, le cinéma et la littérature semblent actuellement des médiums puissants pour exprimer l’identité vietnamienne.
On pourrait dire exactement la même chose du Québec d’après la Révolution tranquille des années 1960. L’histoire du Vietnam et ses défis identitaires ne sont pas sans ressemblance avec ceux du Québec. La Nouvelle-France fut d’abord une colonie française, puis un pays conquis par les armées britanniques en 1763. Bien que le Québec n’ait pas connu de guerre d’indépendance, il doit toujours lutter pour son identité culturelle au sein de la Confédération canadienne, pour sa langue française, pour son autonomie politique. |
3- Une langue écrite bien particulìère en Asie |
Le Vietnam est le seul pays d’Asie qui possède une écriture en caractères latins, le quôc-ngu ou langue nationale, réalisée en transcrivant les caractères chinois en signes alphabétiques romains. Avant son invention, seuls les idéogrammes chinois servaient aux lettrés et la langue parlée était le sino-vietnamien. L’unification de la langue nationale est donc passée par cette écriture qui n’a pourtant jamais rejoint les minorités ethniques du pays. C’est un enjeu politique autant que culturel ; une langue nationale est un facteur de cohésion sociale essentiel.
Cette écriture est le fruit du travail des jésuites arrivés au Vietnam en 1615 pour évangéliser les populations : ils avaient besoin d’un instrument de communication conçu d’abord pour leur travail apostolique. En 1624, cinq jésuites sont arrivés à Faifo, nom ancien de Hoi An, en provenance de Macao; parmi eux se trouvaient le portugais Gabriel de Matos, le français Alexandre de Rhodes et l’italien Francesco Buzoni qui, le premier, a transcrit le vietnamien en alphabet romain. Un premier Vocabulaire amanite publié à Rome en 1651 désigne Francesco de Pina comme précurseur dans ce domaine linguistique ; malheureusement, ce jésuite s’est noyé dans la baie de Tourane (Danang) en 1628. Il s’était servi des recherches de Francisco Buzoni et de celles d’un laïc nommé Christophe Borri. Une première grammaire a bientôt suivi et enfin, le cœur du travail missionnaire , un catéchisme rédigé en vietnamien. Tout ce travail a permis à la langue et à la culture vietnamienne de se détacher de la culture chinoise, de devenir autonome.
Contrairement à une légende tenace probablement d’origine française, Alexandre de Rhodes ne fut pas seul dans l’élaboration de la langue vietnamienne ; ce fut davantage le travail d’une petite équipe de missionnaires européens. Pourtant, c’est bien lui, et lui seul qui est vénéré au Vietnam comme le père de la langue nationale. Nous qui étions venues au Vietnam en suivant les pas des Jésuites, nous n’avons pas trouvé de traces matérielles de leur présence mais nous avons été sensibles chaque jour à l’impact de leur présence sur l’écriture vietnamienne.
Dans son livre sur les Jésuites, le biographe Jean Lacouture rapporte une conversation avec le premier ministre chinois Zhou En Lai pendant laquelle ce dernier déplorait que la Chine n’ait pu bénéficier de la transcription alphabétique de son écriture, comme celle qui avait permis à ses « amis » du Vietnam de s’ouvrir plus vite et mieux qu’elle à la civilisation occidentale (p. 297). Il semble avoir oublié que ce fut avant tout une ouverture au christianisme… |
4- Une histoire millénaire encore peu connue |
Le sud du Vietnam actuel a fait très longtemps partie du royaume cambodgien du Funam. À la fin du II siècle, le royaume hindou du Champa s’installa sur le site actuel de Danang, important le sanscrit comme langue sacrée et des éléments importants de l’art indien. Dès le VIIe siècle, ce royaume Champa avait gagné des territoires au sud et combattait à la fois les vietnamiens au nord et les Kmers au sud ouest. Cependant le royaume Champa finit pas disparaître, lui aussi.
De ce grand royaume restent encore des tours en brique éparpillées sur le territoire qui servaient de sanctuaires pour les divinités hindoues. (Photo Temple Cham). Il reste surtout le site impérial de My son situé dans les montagnes, qui est classé au patrimoine mondial de par l’UNESCO. Ce fut la capitale du royaume Champa, un centre à la fois politique et religieux habité jusqu’au XIIIe siècle. On peut encore y trouver une dizaine de temples avec leurs fines sculptures sur la centaine que comprenait ce site ; ils étaient dédiés aux rois ou aux divinités, le plus souvent le dieu Shiva, protecteur du royaume. Ces bâtiments de brique généralement sans fenêtres sont ornés de sculptures élaborées dans les parois en brique dont une grande partie se trouve maintenant au musée de la sculpture Cham de Danang.
Pendant des siècles, la région qui occupe une position centrale stratégique fut pilonnée par les Chinois, les Kmers et les Vietnamiens. Durant la guerre du Vietnam, la région de My son fut bombardée. Le site ne fut épargné que grâce à l’envoi d’une lettre de protestation au président Nixon par Philippe Stern alors conservateur du Musée Guimet de Paris et spécialiste de l’art cham. Les combats se sont poursuivis mais le site a été relativement épargné. Merci monsieur Stern !
Dans la mythologie ancienne vietnamienne, les montagnes sont des lieux sacrés réservés aux divinités et aux rois ; elles représentent le paradis. Nous avons constaté avec stupéfaction qu’au sommet d’une colline proche de My son, on a érigé une grande église catholique en ciment sur ce lieu vénéré, sans considération pour l’histoire et la culture locales. Il y a de quoi en perdre son latin. |
5- L’après deux guerres |
Il est impossible de visiter le Vietnam sans penser aux deux guerres que ce pays a vécu, d’autant plus que le récit de ces dernières a retenti pendant mon enfance française (guerre d’Indochine) et pendant nos années d’études à Paris (guerre du Vietnam). Pourtant pendant ce séjour, il fut quasiment impossible d’en parler avec les personnes vietnamiennes francophones rencontrées ; cela fut une immense frustration. Nous avons vu des tanks exposés près d’imposants monuments commémoratifs aux héros de la patrie mais il nous fut impossible de comprendre quoi que ce soit aux textes qui les couvraient.
Cependant, le peu que nous avons pu échanger avec la population indique des séquelles encore présentes des bombardements américains : 76 millions de litres de défoliant ont été déversés sur le pays et un million de tonnes de bombes dont 800 milles n’ont pas encore explosé. Les enfants sautent encore sur des mines antipersonnelles avec les blessés et les morts qui s’en suivent. Dans la région d’Along, nous avons visité un Centre humanitaire à Hong Ngoc, une entreprise de jeunes artisans handicapés qui pratiquent la broderie, la céramique et la joaillerie ; un bon nombre d’ entre eux travaillent en chaises roulantes.
D’après ce que les vietnamiens nous ont dit, seuls les organismes humanitaires s’impliquent pour réparer un tant soit peu les effets de la dernière guerre. Apparemment, il n’ y a pas eu de Plan Marshall pour la reconstruction du Vietnam. Mais presque tous les jours, dans le journal des touristes, Vietnam News, se trouve une annonce précisant que The Vietnam news Agency a mis en place une association caritative appelée Agent Orange-Enduring Pain, sous la responsabilité du comité de Hanoi, pour aider les personnes qui souffrent des conséquences de l’agent orange (Dioxine). Ce fonds a reçu jusqu’à présent des dons de 83.000 $ incluant de la nourriture et des chaises roulantes qui ont été distribués dans 4 centres et plus de 1000 victimes réparties dans 64 localités . Voici les coordonnées de ce centre :
The Agent Relief fond,
11 Tran Hung Dao Street
Hanoi
Compte de la Fondation “Agent orange-Enduring Pain”, 0011 0022 17214 , Bank for foreign trade of Vietnam-0peration center, Swiff code; BFTVVNVN OO1
Pour plus de renseignements, contacter Mr Tran G Dang son, tel; o4-9332326 ou 0913 225 808 fax; 04-9332321 Email; acfund.vna@gmail.com
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6- Au pays des motos |
La capitale, Hanoi comprend 5 millions d’habitants et 2 millions de motos. Ho Chi Minh Ville n’est pas en reste avec ses 10 millions d’habitants et ses 5 millions de motos. Au total vous avez bien compté, il y a 7 millions de motos dans ces deux seules grandes villes. Une moto peut tout transporter, une famille entière comme trois cochons ! (Photo trois petits cochons)
La première impression devant la circulation des motos et motocyclettes, c’est sa densité soit 1, 85 m par voiture et 17 cm par moto. Un flot continu de motos circule et on se demande quand on pourra traverser ou si c’est seulement pensable. Pourtant, ce flux continu et régulier va vous contourner tranquillement, si vous avez le courage de vous lancer et la sagesse de ne pas vous arrêter au milieu de la rue… C’est un art qui s’apprend vite. On demeure fasciné par le calme et la civilité de la conduite routière ; en d’autres lieux, il y a aurait des morts à chaque coin de rue. (Photo motos)
Après la surprise de la densité, on peut se permettre d’admirer l’élégance des conductrices en costumes traditionnels ou Ao Dai, dont elles relèvent le pan de la tunique pour tenir le guidon, la beauté des couples enlacés au milieu du trafic ou des flots d’étudiantes en costumes blancs ( Photo Etudiantes). Les femmes portent souvent un masque pour garder leur teint le plus clair possible et en font porter à leurs enfants pour les protéger de la pollution. Elles ajoutent parfois des gants pour éviter à leurs mains d’être abîmées par le soleil ou le froid hivernal.
La pollution est réelle, là comme ailleurs. Le gouvernement veut contrôler les gaz d’échappement des véhicules dans les grandes villes, comme le démontre le thème du séminaire tenu à Hanoi en janvier 2008 dans le cadre du Programme « Air propre Vietnam -Suisse ». Il s’inscrit dans le cadre du programme « Améliorer la qualité de l’air dans les zones urbaines » qui fait partie de la Stratégie nationale de protection de l’environnement horizons 2010-12020 élaborée par le ministère de la Communication et du Transport » . La quantité de micro poussière en suspension dans les deux grandes villes du pays est de 1,65 à 2 fois supérieure aux normes autorisées. La cause se trouve dans les véhicules vétustes que les autorités veulent retirer du trafic et la mauvaise qualité des combustibles utilisés. On recommande d’installer des pots d’échappement catalytique, ce qui impliquerait des coûts supplémentaires à une population encore pauvre.
Les autorités organisent des campagnes d’information qui prônent la prudence et le port du casque (Vietnam news). En ville, le casque de moto remplace de plus en plus le chapeau conique encore et surtout porté par les paysans en vélos ou à pied avec leur palanche et leurs deux paniers sur l’épaule. Les voitures sont encore peu nombreuses mais neuves et belles, réservées aux plus riches. Entre les vélos des plus pauvres et les autos des plus riches, les motos ont la part la plus importante.
Les motos prennent donc de plus en plus d’espace dans les villes vietnamiennes et même à la campagne. Cette présence encombrante est à mettre en relation avec l’interdiction toute récente des marchands ambulants à Hanoi dans les rues principales, pour se concentrer dans certaines rues à certains moments de la semaine. Cette interdiction aurait dû entrer en vigueur le19 janvier 200, mais elle a été reportée. (Photo Trottoirs Hanoi). La raison évoquée par le maire Nguyen The Thao est la suivante ; « L’image des vendeurs ambulants est belle dans les films. Mais fait très arriérée dans une ville civilisée » (le courrier du Vietnam). On se demande plutôt si la raison n’est pas économique et si on ne sacrifie pas les paysans pauvres aux commerçants des villes et la ville aux motos. Ce ne serait pas la première fois. |
8- Artisanat, arts et commerce |
Les produits artisanaux abondent au Vietnam ; soieries, broderies, poteries, travail de la pierre, du bois, du bronze, du nacre. Le savoir-faire artisanal est remarquable et omniprésent, aussi bien dans les objets décoratifs classiques que dans des objets plus rustiques provenant des tribus montagnardes. On compte 2000 villages d’artisanat traditionnel au Vietnam, dont les 200 meilleurs ont été sélectionnés pour présenter leurs productions lors d’un Festival des villages d’artisans en 2007 à Hanoi. Dans le registre de l’artisanat traditionnel, il faut mentionner le magnifique théâtre de marionnettes sur l’eau, naïves et colorées qui racontent la vie d’un jeune paysan et le montrent tantôt jouant de la flûte à dos de buffle ou pêchant dans la rivière, tantôt rencontrant un mandarin de retour dans ses terres ou combattant des dragons. Le tout est accompagné d’instruments de musique traditionnels et de chants dialogués. Ce spectacle de théâtre traditionnel du nord du Vietnam est plein d’humour et de poésie mais il montre aussi les limites du genre. Le texte est codifié, ainsi que les personnages et la musique ; il n’y a pas de marge de manœuvre possible. ( Photo Marionnette )
Je me suis émerveillée devant la finesse des broderies sur soie, mais je me suis désolée en même temps de constater la répétition des mêmes thèmes traités de la même façon d’un atelier à l’autre ; rizières, fleurs, bateaux, jeunes filles en costumes traditionnels. L’habileté est bien là mais la créativité n’est pas au rendez-vous. Dans le même ordre d’idées, une ville comme Hoi An comprenant des dizaines d’ateliers de confection en soie ne présente de façon répétitive que les mêmes coupes de vêtements d’une boutique à l’autre, à part une exception notoire. Est-ce une question de pénurie et de manque de contacts avec l’extérieur ? la difficulté de trouver des patrons ? le désir de ne pas effaroucher la clientèle, en lui offrant des produits sûrs ? La production en grande série est nécessairement commerciale mais on voit bien que la démarche de métiers d’arts ou d’artisanat contemporain est rare. Je n’ai trouvé qu’une seule boutique proposant autre chose que la production de masse habituelle. Pourtant les matières premières sont disponibles et l’habileté des artisans est exceptionnelle ; il ne manque que des designers et des commerçants audacieux pour oser inventer à partir des productions artisanales et commerciales.
Quant aux diverses Art gallery rencontrées dans les endroits fréquentés par les touristes, elles se contentent de présenter des peintures en série, toujours dans les mêmes couleurs et toujours avec les mêmes motifs qui semblent avoir constitué le gagne-pain des finissants en Arts plastiques jusque dans les années 90… et encore maintenant. Il s’agit simplement de copies et de peintures en série. Nous sommes devant une confusion des genres ; ce ne sont pas des galeries d’art mais des boutiques de décoration.
Ni à Ho Chi Min-Ville, ni à Hanoi, je n’ai vu d’art contemporain dans les espaces publics ou dans des galeries. Le plus moderne que j’ai pu apercevoir, c’était quelques sculptures en pierre des années 60-70, le long du Lac de l’épée restituée à Hanoi. Et pourtant, selon l’artiste américain Edward Bradford qui vit au Vietnam depuis 1992, bien que les expositions soient encore rares, le nombre de galeries privées consacrées à l’art contemporain augmente depuis 1995 et quelques espaces culturels publics importants ont été mis en place. Des ambassadeurs artistiques font la promotion d’un art contemporain vietnamien éclaté aux USA, en Allemagne, en Russie ; des artistes étrangers sont invités au Vietnam et des formes d’expression auparavant interdites par les autorités comme les performances, le faux naïf (sic), la peinture pop et les créations multimédias sont maintenant acceptées. Tout est en place pour le développement de formes d’expressions contemporaines car le talent et le potentiel sont là.
Voici quelques galeries d’art contemporain à Ho-Chi Min-Ville ; galerie Guynh, Bleu Space, Himiko ans Mais Gallery et en voici quelques autres à Hanoi : Art Vietnam, Ruyfellea, Nha DSan Duc, et Surfusive art.
Après ce court séjour, mon intérêt pour le Vietnam s’est mué en véritable fascination pour le pays, sa nature, son peuple, sa culture. Et la frustration liée au manque de maîtrise de la langue vietnamienne s’ est peu à peu estompée grâce à la beauté des lieux, des paysages et des personnes et le bonheur des retrouvailles amicales. |
Références |
Edward Bradford , Contemporary art; on a roll , Heritage, Vietnam Airlines, January/February 2008, p. 42
Marguerite Duras, Le barrage contre le Pacifique, Folio 886.
Huu Ngoc Lady Barton, Ao dai, Women’s long dress, Vietnamese culture, The Gioi Publishers, Ha Noi, 2006
Huynh Thi Duoc, Cham sculpture and Indian mythology, Danang publishing house, 2007.
Jean Lacouture, Jésuites. I, les conquérants , Seuil, 1991
Lacquer art Paintings from the Vietnam National fine Arts Museum , 2005
Le courrier du Vietnam, mercredi 23 janvier 2008, « Pour un contrôle des véhicules polluants », p.10
Le courrier du Vietnam, mercredi 23 janvier 2008, «Hanoi ; différer l’interdiction du commerce ambulant », pp. 2 et 9.
Musée des Beaux-arts-Arts du Vietnam, Ha Noi 2002
Nguyen Thu tam-Dinh son My, Nhung Mon An Viet nam, Les mets vietnamiens, Nha Xuat ban phuong Dong
Oil on Canvas from the Vietnam National fine Arts Museum , 2005
Nick Ray et Wendy Yanagihara, Vietnam, guide de voyage culturel pratique, Lonely Planet, 7e édition.
Vietnam news, vendredi 25 janvier 2008, “Road accidents claim more lives”
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