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RICHARD KHAITZINE
 

De l’héritage de Claude Sosthène Grasset d’Orcet

De l’abbé Boudet à Georges Perec

    Il y a de cela déjà plus de quinze ans, mes affirmations firent hurler certains individus qui se piquent « de faire de l’ésotérisme » comme d’autres « font du fric ». À l’époque, j’avais eu l’audace de prétendre que toute l’affaire de Rennes-le-Château ne pouvait s’expliquer que par l’alchimie. Cette pierre – si j’ose m’exprimer ainsi – fit quelques remous dans un microcosme qui s’évertuait à vendre un fumeux et fantomatique Prieuré de Sion et une lignée royale mérovingienne issue de deux mythes, à savoir Jésus et Marie-Madeleine.[1] Une seconde affirmation, selon laquelle « l’inénarrable livre » de l’abbé Boudet se rattachait aux travaux de Grasset d’Orcet suscita encore davantage de vagues, d’autant que cela sous-entendait que des liens existèrent entre le milieu fulcanélien, l’hermétisme parisien et Rennes-le-Château. Depuis quelques documents – et non des moindres – ont été mis à jour qui tous viennent corroborer mes hypothèses. Résultat, ceux qui riaient hier ne sont plus ceux qui rient aujourd’hui. Mais pour comprendre les événements qui se déroulèrent dans le dernier quart du XIXe siècle et le début du XXe mieux vaut commencer par le début…

 

La Revue Britannique une revue bien française. 

  Dans son étonnant roman, La Vie  Mode d’Emploi, Georges Perec, avec un humour qui n’appartenait qu’à lui, mit en scène une jeune fille anglaise engagée au pair et, ailleurs un personnage déçu dans ses ambitions anglaises qui, pour finir, est de la revue. Que dire, également, de l’insistance dont fit preuve Perec en nous expliquant que la clé de l’art du puzzle (énigme, devinette) réside dans le fait de placer les premiers éléments sur les angles et en bordure ? Tout ceci pourrait se montrer anodin et ne relever que de la seule conception romanesque, si un détail insolite ne venait rendre caduque cette explication aussi convenue que rassurante. En effet, les termes « angle » et « angler » –  faire du galon ou de la broderie –, « bordure », ainsi que l’expression «  pairs peintres angles », se retrouvent, et reviennent comme un leitmotiv, sous la plume d’un érudit du XIXe siècle. Son nom ? Georges Perec le suggère humoristiquement. En effet, dans cette même Vie Mode d’Emploi (p.496 : livre de poche) il évoque avec insistance les britanniques au sujet du 22 rue Darcet, rue qui, dans l’index, victime d’une coquille se voit transformée en rue Dorcet. Et cette énormité, les perecquiens empêtrés dans leurs gloses ne s’élevant jamais au-dessus des désespérantes analyses universitaires ne l’ont pas vue. Dommage ! Ils y auraient gagné un nom de nature à leur permettre de comprendre réellement l’œuvre qu’ils sont censés étudier : Grasset d’Orcet.

    Si son nom n’est pas tombé totalement dans l’oubli c’est, en  grande partie, grâce à Fulcanelli[2] qui mentionna ce personnage dans les dernières pages du chapitre consacré à l’analyse de la croix cyclique d’Hendaye. On peut lire dans ce texte ajouté au Mystère des Cathédrales la brève notation suivante : « Grâce à la valeur symbolique de la lettre S, déplacée à dessein, nous comprenons que l’inscription doit se traduire en langage secret, c’est-à-dire dans la langue des dieux ou celle des oiseaux, et qu’il faut en découvrir le sens à l’aide des règles de la Diplomatique. Quelques auteurs, et particulièrement Grasset d’Orcet, dans l’analyse du Songe de Poliphile, publiée par la Revue Britannique, les ont données assez clairement pour nous dispenser d’en parler après eux. Nous lirons donc en français, langue des diplomates, le latin tel qu’il est écrit, puis, employant les voyelles permutantes, nous obtiendrons l’assonance de mots nouveaux composant une autre phrase dont nous rétablirons l’orthographe et l’ordre des vocables ainsi que le sens littéraire ... » 

   Convenons que la règle exposée par Fulcanelli demeure floue et qu’un néophyte ne peut pas espérer se rendre bien loin muni de ces indications sommaires. C’est que la langue des oiseaux ne s’apparente pas réellement à une langue au sens où nous entendons ce terme. Elle ne possède pas de règles grammaticales strictes. Plutôt qu’un langage il faut y voir un système cryptographique, c’est-à-dire un moyen destiné à écrire un texte code uniquement déchiffrable par l’émetteur et le destinataire. Le code utilisé peut varier du simple au complexe et consister en un remplacement de lettres par des chiffres, selon une valeur préalablement convenue, ou reposer sur des assonances, des à-peu-près phonétiques. Parfois, ledit code peut fonctionner à la manière des rébus ou des charades. 

Contrairement aux codes en usage dans l’armée ou les services secrets, qui utilisent le système dit du chiffre, la langue des oiseaux permet de masquer l’aspect crypté d’un texte puisqu’elle offre au regard des non-initiés un texte anodin présentant plusieurs niveaux de lecture sous-jacents. Rien, à première vue, ne saurait désigner un texte ainsi conçu comme un écrit secret.

    Ceci étant précisé, voyons ce que fut la revue où publia Grasset d’Orcet. Contrairement à ce que pourrait laisser croire son nom, cette revue n’était pas anglaise. La Revue Britannique fut fondée par Louis-Sébastien Saulnier, qui se proposait de faire connaître en France les développements littéraires et industriels de l’Angleterre. Ses rédacteurs la définiront en 1881 comme un recueil international, ou plutôt cosmopolite et universel, accueillant dans son cadre encyclopédique les œuvres les plus originales. La revue cessa de paraître en 1901.

 

Grasset d’Orcet, éléments biographiques. 

Bien qu’il se soit agi d’un homme public, ayant beaucoup publié, curieusement les détails biographiques demeurent minces.[3] Il vint au monde le 6 juin 1828 à Aurillac dans le Cantal. Il fit ses études classiques à Clermont-Ferrand puis à Juilly en Seine-et-Marne. Vers la même époque, et sans que l’on puisse dire si ces personnages s’y rencontrèrent, nous relevons les noms de deux célébrités en relation avec le collège de Juilly. L’abbé Louis Constant, plus célèbre sous son nom de plume : Eliphas Levi y était professeur. Il avait été nommé grâce à l’appui de Monseigneur de Bonnechose, un prélat dont le nom est bien connu des amateurs de l’affaire de Rennes-le-Château et des livres consacrés à Arsène Lupin. Or ce Monseigneur de Bonnechose qui fut le supérieur de l’abbé Saunière, donna également la confirmation, lors d’une tournée dans le pays de Caux, au petit Maurice Leblanc. Devenu le « père » d’Arsène Lupin, Leblanc fit figurer Monseigneur de Bonnechose dans son roman La Comtesse de Cagliostro. On sait aussi, depuis les travaux de Patrick Ferté, que ce même prélat alla rendre hommage, à Carcassonne, à Saint Hermès et à Saint Lupin. Tout ceci, et c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas très …catholique.

   Grasset d’Orcet termina son droit à Paris où il fréquenta l’atelier d’un sculpteur avec lequel il acquit de bonnes connaissances artistiques. À la mort de son père, il entreprit un voyage d’études sur le pourtour de la Méditerranée, au terme duquel il se fixa à Chypre; là, il étudia la trace des systèmes cryptographiques de la Grèce archaïque. Un revers de fortune le contraignit à interrompre ses recherches archéologiques et l’obligea à regagner la France où il collabora à différentes publications. En décembre 1873, la Revue Britannique, accueillit un premier article qui devait inaugurer une série aussi abondante que variée.

  La collaboration de Grasset d’Orcet s’étala sur une période de vingt-sept ans. Il fournit quelques 160 articles relatifs aux sujets les plus divers et occupant pour les plus longs, jusqu’à deux cents pages. Ce génial et modeste savant à l’érudition prodigieuse, fut philologue, philosophe, archéologue, historien et littérateur. À l’écart des bruits et des turbulences du monde, il consacra son existence à de véritables travaux de bénédictin. Il s’éteignit à Cusset dans l’Allier, le 2 décembre 1900. 

  Le catalogue de la librairie Dorbon-Aîné (Bibliotheca Esoterica) fournit quelques précisions. On y apprend que Grasset d’Orcet correspondit avec le commandant du génie Levet, de 1889 a 1899. Les 400 lettres adressées par Grasset d’Orcet à Levet formaient un manuscrit de 2240 pages. Dans ce manuscrit il était surtout question de linguistique et de traduction cabalistique des noms. Il contenait de précieux renseignements sur Papus, Éliphas Lévi, Oswald Wirth, le sâr Péladan, le Docteur Bataille, Huysmans, Léo Taxil.  Spedalieri, Pikel Adriano Lemmi, Crispi, Martinez de Pasqualis, Saint-Martin, Drumont, Madame Guyon, Molina, Weisshaupt, Jacques de Molay. Grasset d’Orcet mentionnait également la Franc-Maçonnerie et ses différents grades et autres Sociétés secrètes (Fendeurs, Charbonniers, Pilpoul ou Maçonnerie juive, Élus Cohens, Ordre de Croix ouvrée ou Charingcross, Noachites, Ku-Klux-Klan, Carbonari de Mazzini, Adelphes Odd-Fellows, Vaudois, Ordre de la Colombe, Lucifériens, San hoë hoëi, Chevaliers du Travail, le Palladium, les Ordres religieux (Carmes, Cordeliers, Dominicains, Oratoriens).

    Nous pouvons d’ores et déjà constater que la majeure partie des sujets auxquels s’intéressait Grasset d’Orcet rejoint les lignes de force de la genèse fulcanélienne. Au plan historique Grasset d’Orcet mentionnait l’Archiduc Rodolphe, le Masque de Fer, Marie Antoinette, le Comte de Fersen, la princesse de Lamballe, Lady Hamilton, la Dubarry, la duchesse d’Uzès, Willette, Jules Ferry, Clémenceau, Pie IX, la famille Bonaparte, l’impératrice Joséphine, Giolitti, Carnot, Gambetta, le général Boulanger, Zola, Reinach, Dreyfus, les principaux journaux de l’époque. Il est également fait maintes fois référence à Louis XVII. Au sujet de ce dernier, voici ce qu’en pense d’Orcet : Sauvé grâce au comte de Tilly et à la sœur de Robespierre, il fut élevé à York, au Canada; en 1804, il revint en Europe pour tâcher de faire rendre gorge au comte d’Artois; après avoir quitté sa femme morganatique, la princesse de Rochefort, au lendemain de l’arrestation de son mari, le duc d’Enghien, il entra dans l’armée prussienne sous le nom de Homeless avec le grade d’alferez et il fut assassiné par ordre de son oncle à Haggen.

    D’Orcet étudia également divers ouvrages tels que le Songe de Poliphile, les figures de Rabelais les Emblèmes héroïques de Paradin, la prognosticatio de Paracelse, les emblèmes de Syméoni, l’ordre des Francs-Maçons trahi et le secret des Mopses révélé, le Diable au XXe siècle, Les Jésuites chassés de la Maçonnerie et leur poignard brisé par les Maçons, ouvrages qu’il interpréta au point de vue cabalistique. Il expliqua les événements politiques de l’époque, les monnaies anciennes, les faïences patriotiques, les armoiries des Fouquet, Rothschild, Lusignan, Paléologue, Tanneguy du Châtel, Luillier de Champagne, Polignac, Hohenzollern, de la famille de Savoie et de Jeanne d’Arc. 

Plus curieusement mais, compte-tenu de ce que nous avons déjà laissé entendre, cela explique comment Grasset d’Orcet appliqua sa méthode afin de décrypter les dessins des journaux satiriques et illustrés de l’époque: le Don Quichotte, le Gil Blas, le Courrier Français et le Chat Noir qui étaient sous la direction occulte de Louis Legrand et de Caran d’Ache dont les planches sont exclusivement grimoriées. Cette dernière information est d’une importance extrême et conforte ce que l’on pouvait pressentir du rôle occulte que tint le Cabaret du Chat Noir, établissement dirigé en apparence seulement, par Rodolphe Salis et auquel nous avons consacré un précédent livre.

   Sur Grasset d’Orcet les renseignements font défaut et les seules indications le concernant sont celles qu’il a bien voulu fournir dans sa correspondance. 

    Selon cette source, du côté matériel il était allié aux Sampigny de Scorailles et à Barthélemy d’Orcet capitaine aux dragons d’Orléans, puis ami intime de Madame du Barry « qui ne put en faire un colonel parce qu’il était de noblesse non titrée mais le fit nommer receveur des tailles ». Grasset d’Orcet parle à plusieurs reprises du comte d’Hérisson du baron de Billing, dont il était l’ami, et du baron Cerfbeer de Medelsheim à qui Marie Thérèse de Saxe confia le soin de lui faire des enfants, son mari le dauphin fils de Louis XV étant hongre.

   En 1976, deux chercheurs eurent l’idée de réunir et de publier quelques-uns des articles rédigés par Grasset d’Orcet. Ce recueil intitulé Grasset d’Orcet -Matériaux cryptographiques - contient les titres suivants : Un saint national en Auvergne, Le Noble Savoir, Rabelais et les quatre premiers livres de Pantagruel, Les Dieux sur le pavé, Les Gouliards, John Gilpin, Héros solaire, Le Songe de Poliphile, La Côte d’or et ses monuments druidiques, La préface de Poliphile, Les Ménestrel de Morvan et de Murcie, Les collaborateurs de Jeanne d’Arc, Le Cinquième livre de Pantagruel, Le premier livre de Rabelais, La Danse Macabre, Le Pacte de famine. Une suite était prévue a cette publication qui n’a pas vue le jour. [4] 

  Les travaux de Grasset d’Orcet représentent incontestablement la source indispensable à qui souhaite pénétrer le sens des textes cryptés.  Les articles réunis au sein des Matériaux cryptographiques ne sont pas d’un abord très facile pour le grand public contemporain, lequel ne possède plus cette tournure d’esprit propre aux amateurs de rébus, de charades et de contrepèteries, tous amusements qui divertissaient nos parents. 

  Dans le passé, ces jeux, que nous considérons de nos jours assez puérils, se pratiquaient dans les salons et en animaient les réunions. Si nous considérons que les artistes sont le reflet de la culture du moment et qu’ils nourrissent leur créativité des aspects sociologiques de l’époque qui est leur, comment s’étonner que les travaux de Grasset d’Orcet aient été utilisés par des écrivains aussi différents que Raymond Roussel, Alfred Jarry, Maurice Leblanc, Gaston Leroux, Lewis Carroll ? Encore doit-on admettre que cette énumération est incomplète et que nombre d’auteurs internationaux pourraient être adjoints à cette liste. Mais quel fut le ciment entre des personnalités aussi dissemblables, quel pouvait être le dénominateur commun entre un grand bourgeois esthète, un anarchiste notoire, deux romanciers populaires et un mathématicien qui fuyait l’univers des adultes au profit de celui des enfants ? 

  Sommes-nous en présence d’une école et dans 1’affirmative quels furent  ses buts ?  Si école il y eut, s’agit-il d’un mouvement créé récemment ou au contraire plongeait-il ses racines dans un passé lointain? À toutes ces questions, la lecture attentive des écrits de Grasset d’Orcet apporte un embryon de réponse. Toutefois avant d’approfondir ce point une réflexion s’impose. La compréhension de la Langue des Oiseaux est-elle indispensable à tous ceux qui souhaitent œuvrer en Alchimie ? Non, car en ce domaine nous sommes en présence d’une école laquelle utilisa ces jeux de langage en tant que technique d’éveil, de support. Pour prendre une analogie, un sensitif possédant de réelles facultés de voyance, pourra s’appuyer sur le Tarot, les taches d’encre, la géomancie, le Yi-king ou tout autre moyen susceptible de lui convenir et non pas exclusivement en usant d’une boule de cristal.

  L’école fulcanélienne semble avoir opté pour une voie particulière apte à déclencher, par le biais des jeux de l’esprit, un état transcendant et par conséquent, suivant l’étymologie de ce terme, capable d’accélérer la montée au-dessus de notre plan d’existence. Cette hypothèse paraît être corroborée par l’insistance avec laquelle Raymond Roussel mentionnait le jeu de paume. Ce sport consiste en effet à se renvoyer une balle de plus en plus vite ce qui provoque chez les joueurs une accélération du rythme cardiaque notamment, et une sensation d’ivresse. Dans ce cas, les auteurs précités n’auraient fait que transposer l’effort physique du jeu de paume au plan intellectuel et littéraire à partir de règles préétablies correspondant au règlement du jeu, sur un canevas faisant office de terrain, ils se seraient renvoyés la balle ; autrement dit, ils se seraient évertués à faire assaut de virtuosité dans l’usage des à-peu-près phonétiques, des calembours, des rébus, des charades. L’exercice en question aurait servi à atteindre un état identique a celui du joueur, un sentiment d’ivresse, une sorte d’extase propre à leur permettre l’accès à d’autres formes de réalités, des réalités virtuelles insoupçonnées du commun des mortels. En somme, ainsi se vérifierait le fameux adage : « Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! » Pour extraordinaire que paraisse une telle éventualité, elle mérite d’être envisagée. 

Ces considérations étant exposées poussons la porte entrebâillée et allons vérifier de quelle nature sont les clés nécessaires à ouvrir celles qui sont encore fermées.

De quelques clés et serrures selon Grasset d’Orcet. 

    Comme il n’est pas possible d’exposer dans le détail la richesse des textes rédigés par cet homme érudit nous allons nous efforcer d’en dégager les lignes de force. La lecture des articles de Grasset ne laisse transparaître, du moins au niveau de lecture conventionnel, qu’un sens historique. Toutefois il est évident que ce spécialiste de la cryptographie ne se contenta certainement pas d’écrire en clair et il serait peu logique de penser que lesdits textes doivent être lus au sens littéral. Il est plus que probable que Grasset d’Orcet utilisa le système, dont il fut le brillant exégète, afin de voiler certains enseignements notamment ceux ayant trait à l’Alchimie. En fait, la Revue Britannique devait avoir une double fonction occulte. Elle devait servir de boîte à lettres, aussi bien aux abonnés qu’à des services très spéciaux, de ceux dont l’activité est le renseignement. Cette hypothèse se trouve vérifiée lorsqu’on constate que, parlant d’un personnage aussi connu que Saint Yves d’Alveydre, Grasset d’Orcet le nomme, à diverses reprises Saint Yves de Salveydre (?). Cette erreur grossière serait-elle destinée a attirer notre attention sur un sel vert y désignant l’agent universel de la voie qualifiée de Vitriolique ? Assurément, et le lecteur familier des ouvrages de Fulcanelli fera le rapprochement avec le passage des Demeures Philosophales évoquant la coutume parisienne du maquereau apprêté avec des groseilles vertes et que l’Adepte encourage à lire cabalistiquement : gros sel vert. Il est vrai que ce passage, Fulcanelli avait une autre raison de l’écrire, ne serait-ce que parce qu’il a son rôle à jouer quant à l’élucidation du mystère de l’état civil de l’Adepte. Pareillement, évoquant le personnage historique Miguel Manara, Grasset d’Orcet écrit – comme Prosper Mérimée – Marana, ce qui en espagnol veut dire tromper ou embrouiller.

D’un point de vue général, et pour comprendre la démarche de Grasset d’Orcet, il faut s’arrêter sur la notion de langage. Le langage trouve sa raison d’être dans le fait qu’il véhicule le Verbe. Ce Verbe assure a l’homme son incontestable supériorité et si le langage n’est utilisé que comme un incessant babillage, il perd sa noblesse, sa grandeur. La langue est l’instrument de l’Esprit puisque le Nouveau Testament nous dit qu’à la Pentecôte des langues de feu descendirent sur les apôtres leur conférant le don des langues. Tous les langages se sont structurés à partir d’une ossature, d’un squelette, constitué des consonnes, puis se sont animés par l’adjonction de voyelles. Le langage s’est créé du signifié, du contenu sémantique du signe, au signifiant ou matérialisation du signe. Georges Perec s’en est souvenu en nommant deux des personnages de son roman La Disparition-laquelle n’est pas uniquement celle de la lettre e, mais aussi celle de Fulcanelli – Anton Voyl (Voyelle) et Amaury Conson (Consonne).  Dans le système, mis en évidence par Grasset d’Orcet, l’une des clés réside dans le fait, qu’en cryptographie comme dans les langues sémites, seul compte le squelette des mots, autrement dit les consonnes; les voyelles quant à elles étant permutantes.

    Dès que l’on cesse d’accepter comme parole d’Évangile l’enseignement officiel, les douloureuses courbatures contractées à ses barres fixes s’estompent. On est alors amené à s’interroger sur certaines singularités observables, tant en littérature, qu’en sculpture ou en peinture. Le chercheur à l’esprit libre de tout dogme découvre un univers artistique étrange et fascinant, insoupçonné du commun des mortels, une sorte de courant souterrain qui doublerait le monde apparent des arts. Le visible possède sa complémentarité masquée aux profanes : le monde de l’invisible. Ces deux mondes qui se chevauchent évoquent irrésistiblement ces tapisseries dont nous pouvons admirer le travail fini, l’esthétique, mais qui tirent leur beauté d’un enchevêtrement complexe de fils, fils qui forment la trame, cette trame sans laquelle le visible ne serait pas matérialisé. Nombreux furent les écrivains qui tramèrent leurs œuvres en utilisant des systèmes cryptographiques plus ou moins complexes, créant ainsi une œuvre dans l’œuvre. Au XIXe siècle Jules Verne se posa en précurseur et ceci explique la vénération qui fut celle de Raymond Roussel pour ce romancier qu’il qualifiait de Maître incomparable. Toute l’œuvre de Raymond Roussel insiste sur un objet en apparence anodin : l’épine, ainsi que sur ses parents pointus : l’aiguille, la pointe, le clou et autres objets aigus. La pointe fut, d’ailleurs, mise à l’honneur par Cyrano de Bergerac, dès le XVIIe siècle, qui l’utilisa dans ses entretiens qualifiés de pointus. Quant à l’aiguille, on ne compte plus les meurtres perpétrés avec cet instrument dans les aventures d’Arsène Lupin. Maurice Leblanc craignit-il que ses lecteurs ne soient que des liseurs charnels incapables de saisir toutes les subtilités de ses romans?

  Toujours est-il qu’il éprouva le besoin de coudre de fil blanc l’une des plus extravagantes aventures de son sympathique héros : l’Aiguille creuse. Il faudrait souffrir d’une sévère myopie intellectuelle pour ne pas saisir ce clin d’œil appuyé puisqu’en l’occurrence cette aiguille gigantesque, plantée dans le décor n’est autre que celle d’Étretat ! Pour ceux qui douteraient de ces dernières assertions et s’évertueraient à ne vouloir y voir qu’une extrapolation extravagante, il leur suffira d’ouvrir à la seconde page La Barre-Y-Va du même auteur. Ils pourront y lire : « La vie est beaucoup moins compliquée que l’on ne le croit et elle dénoue elle-même ce qui nous paraît enchevêtré. » Il s’agit bien d’une évocation de ce qui est tramé. Maurice Leblanc confirma d’ailleurs cette lecture en prenant soin de nous présenter Arsène Lupin sous le pseudonyme de D’Avenac, nom dont l’anagramme est caneva(s), objet tramé s’il en fut. Ce qui est vrai en littérature l’est également dans le domaine de la sculpture et de la peinture. En effet, les artistes de l’ancien temps signèrent leur production de différents symboles et ce, en fonction de la corporation a laquelle ils appartenaient. Lesdites corporations étaient des sociétés discrètes et initiatiques qui trouvèrent leur prolongement dans le  rosicrucianisme du XVIIe siècle et la Franc-Maçonnerie du XVIIIe. Les  membres de ces corporations se donnaient un nom générique dont le plus courant fut celui de pairs peintres anglés. Le mot angler, en vieux français, signifiait à la fois cacher et faire du galon, par extension : faire de la broderie. Le secret de cet art résidait dans la composition de bordures ou d’ornements sur des canevas rythmés. Parler de rythme en matière de peinture ou de sculpture peut surprendre. Néanmoins, l’expression est exacte s’appliquant à l’utilisation du nombre d’Or, par exemple chez Nicolas Poussin. Les pairs peintres anglés parisiens se qualifiaient de pairs lanternes et c’est cette appellation qu’adopta régulièrement dans ses œuvres Rabelais. Ceci explique, au demeurant, ce singulier passage ou un docteur anglais vient arguer par signes. Cette discussion entre Panurge et le docteur est un dialogue blasonné, une œuvre anglée. En littérature, les initiés utilisaient des octosyllabes et la rime finale en L. Cette dernière lettre, affectant la forme d’un crochet ou d’une clé universelle, communément appelée passe-partout ou encore rossignol. La lettre L était le signe de reconnaissance de cette école dont Fulcanelli se voulut l’héritier direct. Sinon, comment expliquer qu’il choisit de titrer ses deux livres en utilisant deux noms octosyllabiques et dont la dernière syllabe s’achève par une consonance en L ?

  Une corporation de peintres utilisa la Lanterne en guise de signature. Il s’agissait des Lanternois auxquels fait également allusion François Rabelais. Une autre corporation, dont les membres se nommaient grinches habiles ou abeilles, signait d’une grosse boule en verre. Ce fut le cas notamment du Titien lors qu’il exécuta le portrait de sa maîtresse; cette toile est visible au Louvre. Cette boule peut se voir également sur le portrait de la Duchesse de Southampton peint par Van Dyck. La lanterne, quant a elle, se voit fréquemment sur les toiles du XVe siècle. On trouve aussi parfois, en guise de signature, une hallebarde. L’épingle semble avoir été la marque d’une confrérie placée sous le patronage de Saint Gilles, version chrétienne du Gille de l’antiquité. Ce nom était un dérivé de saint Gilpin ou Gulpin, lequel était primitivement Vulpin ou Vulpian, ou encore Bacchus. Ce personnage emblématique du mythe solaire se retrouve en Angleterre dans les traditions populaires. Cowper en fit le héros d’un livre en 1785. John Gilpin est la version anglaise de Jean Gille, le Jean Joly des anciennes chansons françaises. La marque des  Gilpins était l’épingle, cette épingle dont Léonard de Vinci signa le buste de Béatrice Farnèse. Cette même épingle est visible sur de nombreuses gravures du XVIIIe siècle se rapportant à des initiations maçonniques. L’épingle était l’insigne du plus haut grade des loges et corps de métiers. Michel Ange fit également mention de son appartenance à cette Guilde sous forme de rébus. Le Captif qui peut se voir au Louvre, montre un singe se mettant le poing dans l’œil. Grasset d’Orcet y vit « singe œil poing », approximation phonétique de saint Gilpin. Une autre confrérie signait ses productions d’une patte d’oie affectant la forme d’une fourche à trois branches. Les membres de cette confrérie se nommaient les Pédauques, terme tiré de la langue d’Oc. Les Pédauques se référaient à une mystérieuse Reine possédant un pied palmé; c’est elle qu’évoquait le poète Gérard de Nerval dans Aurélia sous le nom de Reine du Midi : la Reine de Toulouse, la Gnose considérée comme hérésie par l’Église catholique, et contrainte de se travestir, faisant semblant de mourir  pour mieux renaître, ailleurs, de ses cendres comme le Phénix. Relevons que Grasset d’Orcet fréquenta Théophile Gautier, lequel fut l’ami de Gérard de Nerval.

 

De l’alchimiste des Faiseurs d’or aux alchimistes des mots. 

   Le 15 septembre 1905, la revue Je sais tout, créée par Pierre Lafitte, publia un article, intitulé Les Faiseurs d’or, qui fit beaucoup de bruit. En l’occurrence, André Ibels, frère de H.G. Ibels un ancien du Chat Noir, interviewa l’alchimiste Alphonse Jobert, lequel fut un temps le maître de René Schwaeblé avant que ce dernier ne s’accroche aux basques de Huysmans. Deux mois plus tôt Jobert, alors âgé de plus de 60 ans, avait pratiqué une transmutation en direct, devant des témoins, dont le célèbre chirurgien de l’hôpital Saint-Louis : Louis Eugène Doyen. Très impressionné, Doyen proposa à Jobert de venir travailler avec lui… Détail amusant, mais parlant, nous apprenons en lisant La comtesse de Cagliostro qu’Arsène Lupin, dans sa jeunesse fut carabin à l’hôpital Saint-Louis dans le service du Docteur Altier. Ce supérieur dont le nom indique la supériorité, n’est-il pas un synonyme de… « doyen » ? Dans l’article susmentionné, Jobert prétendait pouvoir fabriquer assez d’or pour rembourser la dette de la France consécutive à la défaite de 1871. De plus, il racontait la mésaventure d’un alchimiste naïf – sans doute lui-même – s’étant fait saisir 76 kilos d’or  par la Monnaie de Paris. Dans son commentaire – ou hypotypose – au Mutus liber, rédigé avant 1914 – Pierre Dujols, libraire érudit et dernier descendant des Valois, et dont on sait qu’il participa activement à la parution des ouvrages signés Fulcanelli, évoque également cette saisie, commençant son récit par : «  De tous temps, il y eut des faiseurs  d’or… » ; il ajoute : «  À la suite de débats sensationnels et peu distants, on a laissé dire – et au milieu de quelle stupeur – que l’Administration de la Monnaie aurait saisi (…) la production d’un alchimiste contemporain… » Raymond Roussel, de son côté, fit une allusion à cet épisode, au sein de son ouvrage posthume Comment j’ai écrit certains de mes livres. Il ne pouvait ignorer ce fait. En effet, toujours dans le même ouvrage, au sein d’un texte intitulé Le haut de la figure, il écrit : «  Un beau jour la manie des sciences m’ayant repris, j’étais allé sonner au petit rez-de-chaussée de Volcan… » Ce Volcan, personnage distrait, et pour tout dire lunaire, masque à peine le Vulcain lunatique ou grand arcane alchimique qui est l’étymologie de Fulcanelli – et non le Vulcain ou Volcan du soleil comme le prétendit Eugène Canseliet. Or un nom revient, sous forme de charade, de manière récurrente sous la plume de Roussel, celui de Jobert. Nous laissons au lecteur le soin d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Ultime précision ! Au cours d’une représentation de Locus solus, l’un des comédiens commit un lapsus qui alarma l’auteur. Le comédien en question appela Cantagrel le personnage se nommant Canterel. L’émoi de Roussel était compréhensible, car ce lapsus était par trop révélateur des clés de sa pièce laquelle mettait en scène des cadavres réfrigérés. La rue Cantagrel est située à Paris dans le 13e arrondissement, dans le même quartier se trouve la rue de La Glacière. Ceci ne nécessite pas davantage d’explications. En revanche, il faut savoir qu’existe aussi dans cet arrondissement une avenue de la Sœur Rosalie où demeura… Alphonse Jobert.[5]Jobert exécuta au moins deux autres transmutations devant des témoins ; la première devant Abdul Hacq, pseudonyme de Léon Champrenaud, directeur de la Voie, journal de l’église gnostique, et la seconde devant Victorien Joncières, compositeur notamment d’un opéra pour… Emma Calvé. Depuis ces dernières années, un certain nombre de documents sont mis à jour lesquels prouvent que « l’affaire de Rennes-le-Château » posséda des ramifications avec les milieux de l’hermétisme parisien.  C’est ainsi que vient d’être découvert un exemplaire de livre de l’abbé Boudet dédicacé à Grasset d’Orcet. Cette découverte doit être rapprochée d’une seconde. La publication, par notre ami Thierry Garnier de la liste d’une partie de la bibliothèque de l’abbé Saunière. Cette liste fait apparaître deux singuliers romans. L’un est consacré à l’élixir de longue vie, le second à la pierre philosophale. Plus étonnant encore. Ce recensement prouve que Saunière était abonné à la revue Je sais tout, en 1908 et qu’il l’était déjà en 1905, date qui vit la publication de l’article Les Faiseurs d’or ! Est-ce assez probant ?

   Afin de conclure, il me faut souligner que Pierre Lafitte fut l’éditeur des écrits de Maurice Leblanc et de Gaston Leroux, deux auteurs dont les romans – comme les œuvres de Roussel, de Jarry et de Willy l’époux de Colette –  véhiculent des objets, des expressions et des noms de personnages contrebandiers, c’est-à-dire qui franchissent les frontières littéraires au nez et à la barbe des « douaniers » de la culture officielle. Si les noms de Leblanc et de Leroux – tout comme le symbolisme qui se dégage de leurs œuvres respectives – sont emblématiques des deux œuvres alchimiques, [6] la couleur rouge, qui domine dans les romans de Leroux, il est bon de s’en souvenir, était la signature des Gilpins ainsi que souligné par Grasset d’Orcet dans son John Gilpin, héros solaire. Roussel y fait une référence directe par l’intermédiaire du personnage de Locus solus  qui se nomme Ethelfleda Exley. Dans cet épisode, il y a orgie de rouge. Perec s’en est souvenu et cela explique qu’il ait fait imprimer en rouge la fin de La Disparition.

   Enfin et pour en revenir au Volcan de Roussel on en retrouve une trace amusante chez Maurice Leblanc. Contrairement à tout ce qui a été écrit, Lupin ne résulte pas d’un choix arbitraire. Les « lupins » sont des papilionacées bleues, des fleurs dont les cinq pétales inégaux les font comparer aux ailes des papillons.[7] Or il existe une variété de vanesses appelée Vulcain, du nom du dieu dont dérive le mot volcan par le latin vulcanus. Tous ces jeux de langages sont bien dans l’esprit du système cryptographique dont les règles furent longuement développées par Grasset d’Orcet.

 

Richard Khaitzine 

 

[1]. Sur cette question, lire Marie-Madeleine et Jésus de Richard Khaitzine (éditions  MCOR).

[2]. Pseudonyme d’un alchimiste opératif – ou d’un Bourbaki littéraire – auteur du Mystère des Cathédrales et des Demeures philosophales.

[3] : Depuis, cette lacune est heureusement comblée et nous tenons à saluer le travail  des éditions e/dite.

[4] : Depuis, les éditions e-dite ont commencé la publication des articles de Grasset d’Orcet. Ont d’ores et déjà été publiés cinq volumes, dont deux consacrés à l’Histoire secrète de l’Europe et deux autres à l’archéologie mystérieuse. Ces ouvrages comportent de précieuses indications biographiques. Nous signalons, à l’usage de certains « philosophes hautains » que Grasset d’Orcet consacra un article à « l’histoire de l’étain » et un second à « Saint Nazaire », ce qui confirme nos dires concernant l’importance de ces sujets.

[5]. Sur la surabondance d’objets à air, dans le Comment j’ai écrit…, rébus menant à Jobert, lire les deux chapitres inédits ajoutés à la réédition de La langue des oiseaux (édition Dervy poche).

[6]. Il n’existe que deux œuvres en alchimie (l’œuvre au blanc et l’œuvre au rouge) ; ce que l’on appelle l’œuvre au noir est une désignation fautive et impropre). Rappelons que Lupin-Hermès symbolise le rôle du premier mercure au sein du premier de ces œuvres. Quant aux personnages de Leroux, ils souffrent tous et sont des allégories du soufre dans le second œuvre. La couleur rouge, qui domine dans les romans de Leroux

[7]. On trouve dans le Comment… de Roussel un texte intitulé Le vol des petits pavillons bleus que l’utilisation  d’un métagramme transforme en « vol des petits papillons bleus ». 

 
 
RICHARD KHAITZINE (FRANCE)
Écrivain, romancier, historien, critique d’art et scénariste français, né le 20 septembre 1947 à Paris et demeurant à Paris.
Il est issu d’une famille de juifs russes émigrés d’Odessa en 1914.
Au cours de sa carrière d’écrivain, il a publié une trentaine d’essais, dont plusieurs sont devenus des livres de référence, sur des sujets aussi divers que la littérature, la peinture, la Franc-maçonnerie, le symbolisme, les religions et l’hermétisme. Tous ces travaux font une large part à l’histoire de l’alchimie, aux arts et traditions populaires qui en sont les véhicules. Il est l’auteur, également, de deux romans.
Il a participé au colloque de Lisbonne en 1999 et à celui de Quinta da Regaleira en 2009. Richard Khaitzine se définit comme «un agitateur d’idées, un penseur libre, un résistant qui refuse le terrorisme intellectuel et la pensée stérilisée imposés par ceux qui séquestrent la culture dans des nécropoles dont ils se sont autoproclamés les gardiens. » Il est membre de la Société des gens de lettres depuis 1998.
Quelques titres publiés :
* La langue des Oiseaux (tome 1) Le second tome consacré à Georges Perec et à Raymond Roussel est en cours de publication. * De la Parole voilée à la Parole perdue
* Marie Madeleine et Jésus. * Quand la Terre gronde. * La Joconde, histoire, secrets et énigme. * Le Comte de Saint-Germain, hypothèse et affabulations.
* Peter Pan… pour une lecture intelligente des contes.
Sa biographie complète est visible sur Wikipédia
E-mail:
r.khaitzine1@aliceadsl.fr