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RICHARD KHAITZINE |
...Interview
de Richard Khaitzine |
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WM :
Bonjour Richard Khaitzine et bienvenue sur renneslechateau.com. Vous
êtes connu pour vos nombreuses investigations dans le domaine de
l’ésotérisme, allant de la langue des oiseaux à l’alchimie, en passant
par les mystères de Paris ou des Jardins de Bagatelle, avec de
nombreuses escales à Rennes-le-Château et à ses diverses
« dépendances ». Quel est le « fil directeur » de votre recherche ?
R.K :
Je déplore d’être classé comme « auteur ésotérique » et cette manie,
bien française, qui consiste à vouloir absolument cataloguer un
écrivain. Il y a de cela plus de quarante ans, ayant fait le tour de la
littérature internationale, ma curiosité intellectuelle ne trouvait plus
à se nourrir. J’ai donc décidé de m’intéresser à un domaine plus
spécifique, celui, des ouvrages relégués dans « l’enfer des
bibliothèque », ces livres considérés comme quelque peu honteux. Après
avoir lu tout ce qui était lisible, et parfois même illisible, j’avoue
avoir été à deux doigts d’abandonner tant cette littérature me semblait
indigeste. Par indigeste, je n’entends pas dire incompréhensible, mais
plutôt comme étant un ramassis d’âneries, de superstitions, de
manipulations et de contrevérités. L’avantage de cette incursion fut de
m’avoir contraint à approfondir toutes les religions, tous les mythes,
toutes les philosophies. Ce parcours, effectué dans les pas des érudits
du passé et à travers la forêt touffue de la mémoire humaine, suscita
une conviction. Quelque part, dans ce dédale de croyances et de récits
disparates, existait une vérité unique et depuis longtemps perdue par
l’humanité moderne, en même temps que le goût de la Connaissance voire
de la culture. De quoi s’agissait-il ? De la grande et unique question
qui devrait nous préoccuper : Quel sens peut bien avoir notre
existence ? Ce qui implique – si il existe un sens – de savoir quel est
le but à atteindre ? Car on ne saurait se satisfaire d’une explication
faisant de l’Homme un accident biologique, fruit d’une lente évolution
des espèces. Pareillement, on ne peut se satisfaire de considérer que
notre existence n’a d’autre raison d’être que de naître, de vivre et de
mourir. À ces questionnements les religions dites révélées
n’apportaient, à mon sens, aucune réponse satisfaisante. J’étais bien
placé pour le constater, étant de par mes ancêtres « un pont » entre
plusieurs confessions (catholique, juive et orthodoxe).
Ce fut alors
que je découvris ce que certains considèrent comme « le vison de
l’ésotérisme » : l’alchimie, moins par les écrits anciens – pour le
compte assez hermétiques pour un lecteur moderne – que par les deux
livres de Fulcanelli. Si ses ouvrages me passionnèrent, je n’y compris
strictement rien. Mais subissant une sorte de fascination – et surtout –
après avoir constaté que cet auteur dynamitait un certain nombre d’idées
reçues (en histoire et en sciences notamment) je décidai de tout
reprendre à zéro. L’histoire et les sciences faisant partie de mes
domaines de compétence j’étais à même de pouvoir savoir si Fulcanelli
avait raison. Or, il était dans le vrai. De décidai donc de persévérer. |
WM : Comment avez-vous découvert
l’affaire de Rennes-le-Château ?
R.K : Comme la plupart des gens de
ma génération : par le premier livre de Gérard de Sède qui, à
l’époque, émettait des hypothèses très différentes de celles
qu’il devait défendre par la suite. Dans ce premier livre,
peut-être sous l’influence de son entourage, il privilégiait
nettement l’explication alchimique.
Toutefois je ne vins à Rennes-le-Château qu’en 1987, sur les
conseils d’un ami. |
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Trois semaines
passées à Rennes-les-Bains et quelques brefs séjours à RLC au cours
desquels j’observai avec un esprit à la fois ouvert et suffisamment
critique, mon opinion était faite. Durant ce séjour, il se passa un fait
étrange. Je vécus une intense expérience de « lâcher prise »,
c’est-à-dire que je m’abandonnai sans réserve, disons, « au destin ». Ma
vie en fut totalement bouleversée. N'ayant plus d’activités
professionnelles classiques, je me mis en chasse d’un éditeur… 6 mois
plus tard je publiai mon premier livre.
WM :
Vous faites souvent le lien entre Rennes-le-Château et l’Alchimie.
Pourquoi ?
R.K :
Parce que toute cette affaire ne s’explique que par l’Alchimie. Je sais
que nous ne sommes pas très nombreux à soutenir cette thèse, mais ceux
qui le font, et que j’ai eu le bonheur de croiser, sont tous des gens
très instruits, capables de faire preuve de discernement. Parmi eux, le
libraire qui succéda à Philippe Schrauben, Patrick Rivière et Michel
Gayot, alias Urbain de Larouanne, ainsi que Alain Féral.
La majeure
partie des gens qui s’intéressent à Rennes-le-Château ignore qu’Eugène
Canseliet, dont le nom est indissociable du succès que connaissent les
ouvrages de Fulcanelli – même si j’ai quelques doutes sur la filiation
– avait émis une opinion sur le sujet. Selon lui il s’agissait bien
d’une affaire ayant trait à la fabrication d’or alchimique, « qui fut
mal utilisé ».
Dès lors que
l’on sait ce qu’est réellement l’alchimie – non pas la simple
transmutation des métaux – que l’on connaît la nature de l’agent et du
patient, à savoir le feu secret, le minéral et les métaux qu’il recèle,
cette sombre affaire devient lumineuse. Toute la décoration des 2
églises, (RLC et RLB) ainsi que l’agencement du domaine de Saunière ne
nous parlent que de symbolisme alchimique par la voie du véhicule que
constitue le mythe chrétien, ayant remplacé les croyances dites
païennes. Quant à l’histoire du livre de Boudet et à sa manie des deux
cromlechs elles sont éminemment suspectes sur un plan rationnel. En
revanche, si l’on s’avise que son livre est crypté à la manière des
ouvrages d’alchimie, en usant de cette langue des oiseaux mise en
lumière par Fulcanelli, notre vision change considérablement, d’autant
que Boudet révèle noir sur blanc le nom du feu secret en le nommant de
son nom grec. Soyez sûrs qu’il avait identifié également le principal
métal entrant dans l’œuvre, ne serait-ce qu’en raison du nom du collège
où il enseigna. Il est probable que notre érudit abbé, polyglotte, avait
eu connaissance des travaux de Grasset d’Orcet (dont Fulcanelli dit le
plus grand bien en le rattachant à la Langue des Oiseaux) et qui publia
durant trente ans au sein de la Revue Britannique. Or Grasset a consacré
un livre entier au métal sus-évoqué. Quant à Fulcanelli, il se montre
très clair, en évoquant ce Diable (messire Legris), qui trônait sur le
parvis de Notre-Dame, et était l’image de la matière du Grand Œuvre.
L’abbé était bien placé pour établir le rapprochement entre : Satan l’anti-moine
des philosophes, le grand adversaire des moines (anagramme : stannum,
stana) et st Stanislas (étymologie stanique : étain). Tout ceci est à
mettre en relation avec la piéta de RLB. Le Christ (version chrétienne
de Jupiter, associé à l’étain), gris comme ce métal, s’éteint. Mieux
encore, il désigne du doigt un plat d’or nous indiquant que « la mort de
l’étain mène l’or…alchimique ». Le souriant abbé, vous pouvez en être
certains, ne s’en laissait pas conter en matière de crédibilité des
fables judaïques - l’expression est de Léon XIII pape à l’époque –
formant le fondement de la chrétienté. Il savait très bien que les
évangiles étaient à peu près aussi crédibles que les mythes grecs…
Enfin, notons
que Boudet évoque Notre-Dame de Marceille… comme Fulcanelli. Curieux
télescopage !
WM :
La « langue des oiseaux » est-elle pour vous un outil important pour
votre recherche ?
R.K :
Il s’agit même de la seule clé – je serais tenté de parler de rossignol,
de passe-partout comme le suggéra Jules Verne – capable d’ouvrir les
serrures des textes les plus hermétiques… non seulement celles des
traités alchimiques, mais aussi celles permettant d’avoir accès à une
lecture infra textuelle (un texte dans le texte) de nombre de romans
(Rabelais, Villon, Verne, Roussel, Perec…), y compris les romans
populaires (les textes arthuriens, Maurice Leblanc, Gaston Leroux…) et
j’en passe.
WM :
Vous avez publié des ouvrages sur la Joconde et sur Jésus et
Marie-Madeleine. Est-ce l’impact du Da Vinci Code ? Que vous a apporté
cet ouvrage ?
R.K :
Non ! La Joconde fut écrit plus d’un an avant la parution du roman de
Dan Brown. Quand au Jésus et Marie- Madeleine, il était en gestation
depuis plus de dix ans, attendant un éditeur qui ait les « tripes » pour
le publier. Quant à savoir ce que m’a apporté le Da Vinci code, et
n’ayant pas pour habitue de parler la langue de bois, je vais être
direct. Rien ! Je le considère comme un roman mal ficelé, avec des
personnages caricaturaux, sans intérêt, une référence « tombant comme un
cheveu dans la soupe » – ce qu’est le bouquin – concernant Saunière et
exploitant le succès de l’énigme sacrée ainsi que le fantomatique et
sans réalité Prieuré de Sion. A ceci, il faut ajouter la méconnaissance
totale dont fait preuve Dan Brown en ce qui concerne le symbolisme en
peinture, les mœurs de la société judaïque au 1er siècle et l’histoire
de la chrétienté. Comment peut-on croire aux amours d’un Christ et d’une
Marie-Madeleine (au demeurant absente des évangiles… sous ce nom) alors
que ces deux personnages sont uniquement des fictions littéraires, des
mythes ? Cela n’engage que mon jugement, mais quand des Dan Brown ou des
Paulo Cohélo sont considérés comme le fin du fin de la littérature
ésotérique et spirituelle, on peut se demander s’il reste un avenir pour
des livres sérieux, voir même pour un ésotérisme qui ne soit pas un
tissu de conneries. J’éprouve également quelques doutes quant à la
capacité des lecteurs à séparer ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas.
Il est vrai que les auteurs et éditeurs ne font rien pour leur faciliter
le travail.
WM :
Etes-vous arrivé à une conviction personnelle dans l’affaire de
Rennes-le-Château ?
R.K :
Elle a été exposée précédemment. Je pourrais ajouter que Saunière, sous
l’influence de Boudet, laissa le témoignage d’une certaine réussite de
leurs travaux, ainsi que le firent tous leurs prédécesseurs.
WM :
Quels sont vos prochains travaux ? |
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R.K : Après Que la Terre gronde,
version actualisée et considérablement augmentée du Huitième
Sceau, consacrée à l’avenir de notre planète, je pense
remanier, augmenter et republier certains ouvrages devenus
introuvables : ceux consacrés au symbolisme des contes : Peter
Pan et le Petit Chaperon rouge, le cours d’Alchimie d’Alphonse
Jobert, alias Fulcanelli, Fulcanelli et le cabaret du chat noir.
J’espère pouvoir sortir un très gros livre consacré aux secrets
de la société française et à l’affaire Fulcanelli.
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Enfin MCOR ayant
lancé une collection de livres policiers, nous allons publier rapidement
un polar décapant « Une grossesse à hauts risques », comportant quelques
clins d’œil ésotériques et dont les dialogues devraient ravir les fans
de Michel Audiard.
En outre, je travaille en collaboration
avec un site web :
baglis.tv
En ligne, une
conférence, très bien accueillie, consacrée à Fulcanelli, qui sera
suivie de deux longues promenades conférences : Paris et l’alchimie et
Bagatelle et l’alchimie… en attendant la suite.
WM :
Merci Richard Khaitzine et à bientôt.
R.K :
C’est moi qui vous remercie de m’avoir donné la parole, ainsi que de
votre amitié. J’espère avoir répondu du mieux possible à vos questions.
Toujours est-il que cela a été fait en toute franchise… même si cela
doit déranger et bousculer certaines certitudes. Avec toute ma
considération et mes amitiés pour les internautes visitant le site de
renneslechateau.com. |
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RICHARD KHAITZINE (FRANCE)
Écrivain, romancier, historien, critique d’art
et scénariste français, né le 20 septembre 1947 à Paris et demeurant à
Paris.
Il est issu d’une famille de juifs russes émigrés d’Odessa en 1914.
Au cours de sa carrière d’écrivain, il a publié une trentaine d’essais,
dont plusieurs sont devenus des livres de référence, sur des sujets
aussi divers que la littérature, la peinture, la Franc-maçonnerie, le
symbolisme, les religions et l’hermétisme. Tous ces travaux font une
large part à l’histoire de l’alchimie, aux arts et traditions populaires
qui en sont les véhicules. Il est l’auteur, également, de deux romans.
Il a participé au colloque de Lisbonne en 1999 et à celui de Quinta da
Regaleira en 2009. Richard Khaitzine se définit comme «un agitateur d’idées,
un penseur libre, un résistant qui refuse le terrorisme intellectuel et
la pensée stérilisée imposés par ceux qui séquestrent la culture dans
des nécropoles dont ils se sont autoproclamés les gardiens. » Il est
membre de la Société des gens de lettres depuis 1998.
Quelques titres publiés :
* La langue des Oiseaux (tome 1) Le second tome consacré à Georges Perec
et à Raymond Roussel est en cours de publication. * De la Parole voilée
à la Parole perdue
* Marie Madeleine et Jésus. * Quand la Terre gronde. * La Joconde,
histoire, secrets et énigme. * Le Comte de Saint-Germain, hypothèse et
affabulations.
* Peter Pan… pour une lecture intelligente des contes.
Sa biographie complète est visible sur Wikipédia
E-mail:
r.khaitzine1@aliceadsl.fr |
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