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On ne peut qu'admirer le courage, la force de conviction et l'énergie dont a fait preuve Maximianno Cobra pour mener à bien son projet. L'orchestre et les chanteurs qu'il a réunis sont tout à fait à la hauteur de la tâche qui leur est confiée. On peut en dire de même des aspects techniques de la prise de son. On ne sera pas surpris toutefois d'apprendre que cette approche radicale des problèmes de tempo chez Beethoven produit un résultat qu'on ne peut que qualifier de très étonnant. Il ne nous appartient pas de dire si cela n'est dû qu'aux habitudes acquises par le public au cours des 100 ou 150 dernières années de l'histoire de la musique, ou s'il y a là un problème plus fondamental. Quoi qu'il en soit, pour déroutante qu'elle soit, l'écoute des ces enregistrements ne laisse pas d'être des plus instructives: on y entendra même pour la première fois des détails de l'écriture qui, au tempo qui est celui pris habituellement par les chefs actuels, disparaissent noyés dans le tissu orchestral. Outre leur intérêt proprement musicologique, ces disques possèdent donc une valeur didactique indéniable.
Pour certains mouvements où le tempo indiqué par Beethoven est particulièrement rapide, la version «aller-retour» tend à se rapprocher d'une sorte de valeur modérée (note 8) qui, en d'autres circonstances, a été également recherchée par plusieurs autres chefs, le plus célèbre étant sans doute Sergiu Celibidache (1912-1996). On peut donc se demander si, dans quelques-uns de ces cas, l'hypothèse de Talsma et Cobra n'est pas pertinente: comme on le sait bien, une erreur fréquente lors d'épreuves de lecture à vue est celle qui consiste à dédoubler (ou à diviser par deux) la valeur de l'unité de mesure. Beethoven n'aura-t-il pas parfois pu être victime d'une telle erreur? Dans ce cas, le dédoublement des valeurs ne serait qu'accidentel, et non pas systématique (note 9).
D'une manière plus générale, des tentatives analogues à celle de Maximianno Cobra ont le mérite de remettre en cause les excès de tempo qui sont coutumiers de certains musiciens ou chefs plus soucieux de briller par une virtuosité facile que de trouver l'expression la mieux adaptée aux oeuvres dont ils sont les interprètes. Car -- il est important de le rappeler -- il ne faut pas confondre rapidité et vivacité: un tempo exagérément emporté aura en effet pour conséquence de niveler les articulations spécifiques (détaché, lié, piqué, accents, etc.), qui peuvent faire tout le «bondissement», tout le «swing» d'un mouvement.
En bref, on ne peut que se réjouir de voir de telles questions remises sur la place publique, en un siècle où la perfection technique des exécutions est certainement sans précédent historique, mais où l'esprit des créations musicales du passé n'est de loin pas toujours compris et rendu comme il mériterait de l'être. S'il nous est permis d'émettre un regret, ce serait le suivant: sans doute aurait-il été du plus haut intérêt de proposer non seulement les versions «lentes» supposées originales, mais également des versions appliquant de manière littérale les indications métronomiques de Beethoven (au moins pour quelques mouvements); cela aurait permis de juger très concrètement de l'amplitude du problème. D'autre part, la recherche scientifique elle-même pourrait être poussée plus avant, et des éléments de réponse cherchés par d'autres moyens, tel celui-ci, évoqué mais non développé par Maximianno Cobra: que pouvons-nous savoir de la durée totale des oeuvres à l'époque de leur création, notamment à l'aide des comptes rendus de concerts qui nous sont parvenus? Cette façon d'examiner le problème ne va sans doute pas sans difficultés, car il n'est peut-être pas aisé de définir dans quelle mesure on tenait compte en ce temps-là des reprises demandées par les partitions de Beethoven (mais qui sont très souvent omises à l'heure actuelle) (note 10). En outre, que dire du cas des indications métronomiques basées sur une valeur ternaire (noire pointée, blanche pointée, etc.)? Ces dernières ne tendent-elles pas à contredire le mouvement du balancier -- qui, si on le comprend comme un aller-retour, fait entendre un rythme binaire? Enfin, si vraiment le métronome a été utilisé par Beethoven et par ses contemporains en oscillations complètes (c'est-à-dire en «aller-retour»), quand le passage à l'usage moderne (en demi-oscillations) peut-il être situé? Vu l'ampleur des conséquences d'un tel changement, on pourrait s'attendre à ce que certains témoins en aient parlé.
On le voit, les enregistrements proposés par Maximianno Cobra ont le mérite de soulever de nombreuses interrogations, et de remettre même au centre du débat certains aspects essentiels -- mais parfois bien négligés -- de l'art de l'interprétation.
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