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Les Bons Cousins Charbonniers BB.'.CC.'.
par Gilbert GALLE

Epoque médiévale

Avec le mot “ bon ” on voit tout de suite quel’on a affaire à des gens pacifiques, et des altruistes. Le mot cousin n’est pas à prendre au sens familial mais au sens d’entraide compagnonnique, de travailleurs qui ont des intérêts communs et qui les défendent : apprentissage et secrets de la fabrication traditionnelle du charbon de bois, soutien  et secours mutuels dans le respect de l’humanité. Leur corporation avait pris comme patron Saint Thibaut. Thibaut né en 1017 à Provins de la famille des comtes de Champagne fut très tôt attiré par la vie des ermites. Il refuse d’être armé chevalier et finit par s’échapper avec son écuyer, Gauthier, pour vivre à Pettingen, Ardennes luxembourgeoises, où ils se livreront à de rudes travaux, notamment celui de charbonnier et de vigneron. C’est également le patron de la confrérie des vignerons de Pommard1. Comme les maçons, les Bons Cousins se sont reconstruit une histoire : ils font remonter leur création au temps du Roi Salomon. La traversée du Moyen Age : La légende raconte qu’un jour François Ier Roi de France, s’étant égaré à la chasse dans une grande forêt, fut recueilli et secouru par un bon cousin dans sa baraque. Le Roi fut si content de cet accueil qu’il prit sous sa protection les charbonniers. Ils eurent des privilèges tels que l’exemption d’impôts foncier, mobilier, personnel. Initié, il s’institua le protecteur des Bons Cousins Charbonniers. Il tint parole et la société par la suite couvrira la France, l’Allemagne, l’Angleterre, les Etats-Unis et surtout l’Italie. Plusieurs légendes existent sur cette rencontre fortuite entre ce roi et les bons cousins.

La Révolution

Cette corporation, bien que fondée sur les préceptes de la religion catholique, passa sans encombre les vicissitudes de la Révolution grâce au soutien moral et physique qu’elle apportait aux petites gens de leur corporation. C’étaient de petites gens vivant comme des sauvages reclus dans les bois, sans relationsextérieures.

La Restauration

Les Bons Cousins sont assimilés par le pouvoir aux Carbonari, dénomination italienne

Les Bons Cousins Charbonniers BB.'.CC.'.
par Gilbert GALLE

Archives départementales du Jura - Cote M 4055 . Maison du Patrimoine - Orchamps (Jura) - Bulletin n° 9 - avril 2005 . 7 des Bons Cousins Charbonniers, ils seront interdits en 1851 dans le département du Jura et en 1855 en Côte d’Or.

Leur histoire

Les Bons Cousins Charbonniers sont une association issue d’une corporation de métier sans doute fort ancienne peut-être formée en Franche-Comté. Elle réunissait des républicains en une société secrète destinée à servir l’humanité. Le rituel initiatique était basé sur la passion du Christ. C’était la conspiration d’un libéralisme adolescent, d’où tous ces secrets puisés dans la franc-maçonnerie : vocabulaire similaire où l’on ne parle pas de loge mais de vente, de maître, d’apprenti, d’ourdon, des abréviations en triangle ∴ qui remplacent celle en . .. … qui est un signe de ralliement facilement reconnaissable en forêt. Ils étaient organisés sur la base de trois grades : l’apprenti, le compagnon ou charbonnier et le maître des châteaux. Les catéchismes comprenaient l’agencement du rituel de l’initiation, des différents discours afférents et du comportement qui devaient exister au cours des deux banquets annuels obligatoires sous peine de radiation ou d’amende. C’était les jours de la saint Thibaut et de la saint Eloi. On disait également que les BB∴CC∴ étaient des charbonniers et de pauvres gens. Mais dans son ouvrage, « Le charbonnier dans les bois »2, l’Abbé Bouchey (1828-1888) nous raconte les moeurs et coutumes de l’époque et, notamment, que ses parents ne purent se marier qu’à la condition que son père abandonnât son métier de charbonnier. Pour satisfaire à la demande de sa belle famille, il abandonna son métier initial de charbonnier pour devenir douanier. Il remplit son contrat de douanier sur la frontière suisse et, son salaire de fonctionnaire étant moins élevé que ses gains de charbonnier, il repris à la fin de soncontrat son métier de charbonnier.

A l’origine des carbonari, les bons cousins charbonniers

Le carbonarisme était un mouvement politique dont les membres formaient une société secrète pour lutter contre les dominations royales de Sardaigne et de Naples, puis contre les souverains italiens. Cette communauté se développa en France sous le règne de Charles X (1824-1830), toujours sous le vocable de Bons Cousins Charbonniers (BB∴CC∴). Les Bons Cousins Charbonniers, association issue d’une corporation de métier sans doute fort ancienne, formée notamment en Franche-Comté, est vraisemblablement à l’origine de la création du carbonarisme ou charbonnerie italienne. Cette déviation politique viendrait selon certains historiens d’un Franccomtois3 : Pierre Joseph Briot né en 1771 à Orchamps (Doubs). Destiné à la carrière ecclésiastique, il se tourne vers le barreau et se fait inscrire en 1789 comme avocat. Brillant orateur, professeur de rhétorique au collège de Besançon où il eut comme confrère l’Abbé Proudhon et Charles Nodier comme élève. Il subit les premiers bouleversements politiques révolutionnaires et se fait élire en 1798 à Besançon député au conseil des Cinq Cents. Il entre dans l’organisation des Bons Cousins Charbonniers à laquelle il était déjà certainement affilié en 1796. Son initiation aurait pu avoir lieu à Gray mais il fut probablement intronisé à la Vente de Brégille, aux portes de Besançon. Nous savons avec certitude qu’il existait des Ventes de Bons Cousins Charbonniers dans la forêt de la Serre, dans la forêt de Roland, à Brégille, dans la forêt de Chaux, Gray, Arbois, Poligny, etc., mais ces ventes ne doivent pas être confondues avec celles de la Charbonnerie Française avec lesquelles elles refusaient toute association. Dans la chambre d’honneur de Gray en 1813, nous ne trouvons que des notables, même un sous-préfet y était affilié, mais très peu de charbonniers !!! Pour en revenir à Briot, pendant son passage aux Cinq-Cents, il se lie d’amitié avec Lucien Bonaparte. Il connaissait aussi Joseph. Joseph Bonaparte devient Roi de Naples, l’appelle près de lui et lui confie la charge d’Inten- Nous retrouvons dans un certificat de Bons Cousins de 1790 une liste de notables de Luxeuil (Haute-Saône), et un tableau des membres qui composent la Très respectable vente de la parfaite union à l’ourdon de Luxeuil avec la « datte » de leur admission à la chambred’honneur :

􀁹 Dom Vautherot, Bénédictin, 1769,
􀁹 Desgranges Claude Joseph, Négociant administrateur du district, 1770,
􀁹 Laffond Nicolas, Procureur général, 1770,
􀁹 Lançon Joseph, Notaire royal, etc.

Comme on le voit, nous sommes très loin des charbonniers noircis par le travail et la fumée âcre des meules de charbon de nos forêts.  De plus, dans la constitution de la Vente charbonnière par un bon cousin maître de chambre de la respectable vente de Brégille, nous trouvons un dithyrambe d’une dizaine de pages philosophiques à la fin du catéchisme. Nos bûcherons charbonniers connaissaient-ils la signification du mot dithyrambe? L’instruction ou catéchisme des bons cousins fendeurs charbonniers de Dole, édition de 1835, dit qu’il est possible de se réunir dans les allées boisées Archives Départementales de Haute-Saône - Cote 1J 248 Maison du Patrimoine - Orchamps (Jura) - Bulletin n° 9 - avril 2005 8

Où sont donc nos Bons Cousins Charbonniers de notre bonne et belle forêt de Chaux avec tous ces notables du Roi François 1er à Napoléon III ? La tentative d’assassinat d’Orsini sur l’Empereur n’était-elle pas pour le rappeler à l’ordre des engagements qu’ilavait pris avec cette corporation ?Pour des révolutionnaires, n’était-il pas idyllique de voir un roi à genoux (François Ier) les yeux bandés, et être coiffé cérémonieusement d’une couronne d’épines semblable àcelle du Christ ? Beaucoup de questions restent posées.

􀂕

-Avec la participation de M. François Lassus, Docteur en histoire, Ingénieur à l’Université de Franche-Comté.
-BB∴CC∴ (Bons Cousins Charbonniers) est le pluriel de B∴C∴C∴ en langage charbonnier.

Bibliographie

1 Vie de St Thibaut, prêtre et ermite, patron de la ville de Provins, par Monseigneur Allou, Evêque de Meaux. Réf. FL6, Bibliothèque fonds anciens « villa Garnier » 77160 Provins

2 Ouvrage de l’Abbé Bouchey. Réf. 390 BOU, Bibl. Gendrey

3 Un révolutionnaire franc-comtois : Pierre-Joseph BRIOT. Maurice Dayet. Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté Les belles lettres. Vol. 33 (1960) et Vol. 241 (1979)

4 La charbonnerie française 1821-1823. Du secret en politique. Pierre Arnaud Lambert Presses universitaires de Lyon

5 Histoire de la Savoie : Henri Menabrea. Edition Les Imprimeries Réunies de Chambéry 73490 La Ravoire. Imprimé en avril

1976

Sources manuscrites :

Médiathèque de Dole, salle Persan : réf : 572/FC

Archives départementale du Jura : M 4055, M 35 et M 58

Archives départementales de Côte d’Or : U IX Ce/208 et 209

Archives départementales de Haute-Saône : 1 J 248

Glossaire de Bons cousins :

Dithyrambe : Cantique consacré à Dionysos, Eloge enthousiaste,

souvent exagéré.

H∴V∴P∴ : Honneur, Vertu, Probité

F∴E∴C∴ : Foi, Espérance, Charité

R∴F∴O∴ : Racine, Fougère, Ortie.

Ourdon : Nom donné au lieu de rassemblement des ventes dans la forêt

R∴ V∴ : Respectable Vente dant des Abruzzes. C’est dans ce milieu francoitalien qu’aurait pris corps la société des Carbonari,  ille de l’association des Bons Cousins Charbonniers. Même catéchisme, même rituel initiatique, même signes de reconnaissance.

Tout le rituel est basé sur la passion du Christ, les symboles des chiffres et des lettres et les écritures bien orientées sur les sigles francmaçonniques. Exemple, les femmes étaient  interdites dans cette corporation, certainement en raison du symbole du sexe masculin représenté par un triangle avec la pointe orientée vers le haut, symbole du feu, en opposition au sexe féminin avec le triangle pointe orientée vers le bas symbole de l’eau. Par évidence, l’eau éteint le feu, l’eau étant le pire ennemi des  charbonniers : pas de feu, pas de charbon. Par contre ces deux triangles imbriqués correspondent au sceau de Salomon, l’étoile juive, symbole de la sagesse. D’ailleurs presque toutes les datations des documents que nous possédons datent de la fondation du temple de Jérusalem : 1 000 ans avant J.C. Cette société secrète maintenant orientée sur la politique4 rêvait d’une Italie confédérée qui devait s’appeler l’Ausonie. Un pacte  constitutionnel utopique avait été écrit par Briot et deux rois détenaient le pouvoir exécutif, le roi de la terre et le roi de la mer. Unification de l’Italie, participation des citoyens à la vie politique, abolition de la féodalité. Comme en France le calendrier était chamboulé avec les noms de mois de la verdure, de la croissance, des fleurs, des prairies, etc. Les fêtes  étaient relatives à la société secrète des BonsCousins avec les fêtes de la probité, de l’honneur, de la vertu, etc. Ces trois mots faisaient les devises des Bons Cousins Charbonniers. Cette société a débordé sur la France avec l’amalgame entre Carbonari et Bons Cousins. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que même le Général Lafayette faisait partie de cette association, que divers complots militairesont existé, dont un organisé les 1er et 2 janvier 1822 à Belfort ; en Savoie des troupes armées sont parties de Genève et ont pu avancer jusqu’à Annecy. Ces organisations furent interdites par arrêté préfectoral. Interdites en 1851, pour le département du Jura, 1855 pour la Côte d’Or, et ne furent jamais interdites en Haute-Saône. Évidemment, puisque nous l’avons vu plus haut, le sous-préfet de Gray fait partie de cette organisation. Le plus paradoxal c’est que d’après Henri Menabrea5, historien local, spécialisé dans l’histoire savoyarde (sic) : “ Aux eaux de Plombières, le 20 juillet 1858, le duc de Cavour, et Napoléon III décidèrent la guerre contre l’Autriche, la cession de la Savoie et de Nice et le remaniement de la péninsule. ... Quant au Pape on lui offrirait la présidence de la « Confédération italienne ». L’Empereur et le ministre s’étaient concertés en se promenant dans les bois dans un mystère digne d’une conspiration de carbonari. Napoléon III avait été de fait carbonaro en 1831, lors de l’insurrection des Romagne où son frère était mort ; il se souvenait de ses années d’apprentissage révolutionnaire.” Avec la province de Romagne, on se retrouve sur le territoire géré par Pierre Joseph Briot intendant des Abruzzes.

 

 
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